Par les temps qui courent, les médias semblent avoir à coeur la deuxième vague de la grippe A (H1N1) ou grippe porcine comme elle fût d'abord surnommée. Bien que des épidémies de grippes aient frappées et frappent encore notre planète, (pensons par exemple à l'épidémie de grippe H5N1 (aviaire, en 2005), la grippe de Hong Kong de 1968 ou même la grippe asiatique de 1957), il est important de se rappeler un peu l'histoire de la précédente épidémie qui ait frappé Québec, celle de la grippe espagnole de 1918.
La maladie est recensée en mai 1918, mais elle n'arrive "officiellement" à Québec, donc dans les médias, qu'autour du 27 septembre 1918 à Québec.(1) Ce n'est pas que les cas ne sont pas connus, mais en ville, les journaux n'en font guère mention. S'ensuit une véritable petite guerre de relations publiques alors que d'un côté le président du Conseil d'hygiène du Québec, le Docteur Arthur Simard déclare que la grippe espagnole n'existe pas, que nous faisons simplement face à une grippe saisonnière particulièrement virulente, tandis que le coroner de la ville de Québec, le Docteur Jolicoeur, affirme que la situation est menaçante et que le département d'hygiène de la ville n'a rien fait.(2) Ces houleux débats, tantôt alarmistes, tantôt minimisant les effets de cette grippe, seront rapidement éclipsés par la situation qui deviendra hors de contrôle.
À Québec, c'est le Bureau de santé qui forcera "[...] la fermeture des théâtres, des écoles, des tavernes et même des églises, en plus de restreindre les heures d’ouverture des magasins"(3) en octobre 1918. Malgré cela, la grippe frappe fort au milieu du mois d'octobre 1918, avec ses effets les plus dévastateurs ressentis entre le 10 et le 20 octobre. Elle fait pratiquement 500 morts dans la seule ville de Québec, dont une quarantaine de victimes par jour du 14 au 20(4). "Les corps publics, lents à s'émouvoir, s'étaient mis en branle, poussés aussi bien par les critiques que par l'évidence que la maladie dépassait en virulence les grippes ordinaires."(5)
La ville est pratiquement fermée pour une bonne partie du mois et les secours s'organisent. Le manège militaire est mis en quarantaine dès le 2 octobre et des écoles (notamment l'école Saint-Maurice de Limoilou) seront utilisés comme hôpitaux ou cliniques de fortune temporaires. La Société Saint-Vincent-de-Paul, les communautés religieuses de la ville (en particulier les Soeurs Servantes du Sacré-Coeur de Marie et les Soeurs Franciscaines Missionnaires de Marie)(6) en plus des étudiants en médecine de l'Université Laval et de la Ligue des ménagères qui fourniront du personnel médical bénévole (assistants, infirmiers et infirmières) pour passer à travers cette crise, seront tous appelés à contribuer.
Tout cela se déroule rapidement, alors que les premiers cas dans le monde étaient diagnostiqués au début de l'année 1918 et que la maladie est "disparue" vers le milieu de l'année 1919. À Québec, la mortalité diminue rapidement dès le début novembre 1918. C'est la dernière épidémie majeure que la ville de Québec ait connue.
Au final, ce que cette grippe montre n'est pas la virulence d'une maladie qui fera tout de même quelques millions de victimes sur notre belle planète, mais l'incapacité des autorités sanitaires et médicales de la ville de Québec à assurer un service de base en temps de crise à tous les citoyens. En effet, les quartiers les plus durement touchés sont les quartiers Saint-Sauveur et Saint-Malo. Au total, ce serait environ 80% des victimes qui résidaient en Basse-Ville(7), malgré les moyens de dernière minute fournis par la ville pour préparer des hôpitaux temporaires, incluant un montant de 25 000 dollars. Une préparation de dernière minute qui a causé bien des maux de tête aux patients et bien certainement au personnel médical qui a également payé un lourd prix de cette épidémie. De leur côté, "les métis indiens de la Réserve de Loretteville" n'auraient pas perdu aucun membre de leur communauté grâce aux plantes médicinales qu'ils utilisent. Dans ce cas-ci, la Berce ou Heracleum.(8)
Pour plusieurs personnes et dans plusieurs quartiers, cette épidémie venait s'ajouter à un climat déjà difficile d'économie de guerre et de "chasse aux conscrits", ces hommes qui refusaient de porter l'uniforme pour aller se battre avec les autres soldats canadiens pendant la Première Guerre mondiale. La décennie 1910 se terminait sur un épisode assez difficile...
Notes
1 - Antonio DROLET, "L'épidémie de grippe espagnole à Québec en 1918", dans Yolande BONENFANT, Trois siècles de médecine québécoise, Québec, La Société historique de Québec, 1970, Cahiers d'histoire no. 22, p. 99.
2- Antonio Drolet, loc. cit., p. 100.
3- Site Internet de la ville de Québec, consulté le 10 octobre 2009.
4- Réjean LEMOINE, "La grippe espagnole de 1918 à Québec", Cap-Aux-Diamants, Volume 1, Numéro 1, printemps 1985, p. 39.
5- Antonio Drolet, loc. cit., p. 104.
6- Antonio Drolet, loc. cit., p. 106.
7- Réjean LEMOINE, loc. cit.
8- Antonio Drolet, loc. cit., p. 106.
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