Le duc et la duchesse de Cambridge (dixit William et Kate) sont en visite au Canada ces jours-ci. Présents lors des événements soulignant la fête du Canada à Ottawa hier (tel que rapporté sur cyberpresse.ca). Ce voyage constitue un premier voyage officiel à l'étranger pour le jeune couple marié et il est assuré, comme à chaque passage de la royauté au Canada, que des manifestations soient organisées par différentes tendances antimonarchistes, surtout au Québec, pour souligner cet événement. Faut-il rappeler qu'une de ses visites s'est soldée par l'une des manifestations les plus célèbres de la seconde moitié du XXe siècle au Québec.
1964 marque le quatrième voyage officiel au Canada pour la jeune reine Élisabeth II, alors âgée de 38 ans (fait à noter que l'orthographe anglaise Élizabeth est officiellement utilisée au Canada). Ce voyage, qui se déroulait du 5 au 13 octobre, avait comme objectif principal de commémorer le 100e anniversaire des conférences ayant mené à la Confédération, soit les conférences de Québec et de Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard). Une visite à Ottawa était également prévue pendant ce voyage pendant lequel la reine était accompagnée de son époux, le prince Philip, duc d'Édimbourg.
Source: Marcel Laforce (photographe), L'Action, Lundi 12 octobre 1964, p.1. Bibliothèque et archives nationales du Québec, consultation en ligne, 2 juillet 2011. On voit ici Jean Lesage accompagnant la Reine et le début de la légende de cette photo se lit comme suit: « UNE REINE DÉLICIEUSE, UN PREMIER MINISTRE HEUREUX [...] ».
Le couple royal avait un itinéraire serré qui les a mené à Québec les 10 et 11 octobre 1964. Mais ce n'est pas la visite comme tel qui marque encore aujourd'hui une partie de l'imaginaire collectif québécois. Ce sont les manifestations qui ont accompagné cette visite et surtout la répression policière violente autour de ces manifestations. Bien que le couple était présent pendant presque toute la fin de semaine à Québec, ce sont les événements du samedi qui retiennent toute l'attention.
Source: L'Action, Lundi 12 octobre 1964, p. 1. Bibliothèque et archives nationales du Québec, consultation en ligne, 2 juillet 2011. Cette photo montre le journaliste pigiste américain Marc Scheiller (à droite) aux prises avec un policier de Québec.
Comme lors de chaque passage de membres de la famille royale, une série de rencontres et de réceptions sont prévues. L'arrivée du couple à Québec était prévue à 9h, samedi le 10 octobre et la première cérémonie d'importance devait se dérouler à l'Assemblée nationale et autour de la colline parlementaire. Un premier discours était prononcé devant le Conseil législatif qui siégeait dans l'Hôtel du Parlement de Québec. La reine allait prononcé une phrase qui allait prendre une tournure ironique dans cette journée: « Mon ardent désir est que personne parmi mes peuples ne subisse la contrainte » (L'Action, 12 octobre 1964, p. 1).
En effet, les premiers affrontements ont lieu à l'extérieur de l'Hôtel du Parlement. Des manifestants de partout au Québec sont réunis et se mélangent à une poignée de démonstrateurs s'étant réunis pour accueillir la reine. La quelque centaine de manifestants, presque noyée dans une imposante marée de plus d'un millier soldats ou de policiers, scandait farouchement leur opposition. La situation a alors rapidement escaladé, la tension laissant la place aux affrontements physiques directs. Il faut dire qu'avant l'arrivée du couple royal, les autorités policières de Québec avaient rapidement déclaré, par l'entremise du chef Roger Lemire, qu'elles ne toléreraient aucune manifestation. (L'Action, 10 octobre 1964, p.1)
Source: Archives LE SOLEIL, « «Le samedi de la matraque». Le 10 octobre 1964, pendant le jour jusque tard dans la nuit, la police de Québec pourchasse et matraque les manifestants, les journalistes et aussi de simples citoyens. », consultation en ligne, 2 juillet 2011.
De l'Hôtel du Parlement, les manifestants se sont ensuite dirigés vers l'Hôtel de ville de Québec pour réclamer la libération des quelques arrêtés de l'avant-midi dont le boxeur Reggie Chartrand. Mêmes affrontements violents avec les policiers. Plus tard, c'est autour des remparts de la ville, près du bastion de la reine, que les manifestants et les forces de l'ordre s'affrontent. Finalement, les derniers affrontements violents de la journée se sont déroulés en soirée, en marge du bal organisé au Château Frontenac. Bref, à chaque étape de la journée du samedi, la reine a été suivie par des manifestants; à chaque étape, ces manifestants ont été « matraqués » par les forces policières. Et à chaque affrontement, les forces policières agissent de plus en plus rapidement et brutalement. Tous les passants, incluant pacifistes, badauds et journalistes, sont la cible des coups de matraque.
Bien que la visite s'est poursuivie le dimanche, le cortège royal a pu faire ses déplacements sans être réellement dérangés, ne serait-ce que par un petit groupe d'étudiants sur le campus de l'Université Laval qui ont, eux aussi, été dispersés par les forces de sécurité. On peut résumé facilement la visite royale de 1964 par le titre d'un article du journaliste Jacques Jobin dans le journal l'Action, du 12 octobre 1964: « Accueil froid de la population - Gestes d'une fermeté exagérée des membres de la Sûreté municipale - 32 arrestations ». Encore aujourd'hui, les événements du 12 octobre 1964 sont connus au Québec comme le « samedi de la matraque ». Tous ces événements s'inscrivent, bien entendu, dans un contexte politique et social tout à fait particulier au Québec des années 1960, mais il allait clairement donner le ton aux relations entre les nationalistes québécois et la monarchie canadienne pour les décennies à venir. Les méthodes ont peut-être changé, mais les enjeux semblent toujours d'actualité.
1964 marque le quatrième voyage officiel au Canada pour la jeune reine Élisabeth II, alors âgée de 38 ans (fait à noter que l'orthographe anglaise Élizabeth est officiellement utilisée au Canada). Ce voyage, qui se déroulait du 5 au 13 octobre, avait comme objectif principal de commémorer le 100e anniversaire des conférences ayant mené à la Confédération, soit les conférences de Québec et de Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard). Une visite à Ottawa était également prévue pendant ce voyage pendant lequel la reine était accompagnée de son époux, le prince Philip, duc d'Édimbourg.
Source: Marcel Laforce (photographe), L'Action, Lundi 12 octobre 1964, p.1. Bibliothèque et archives nationales du Québec, consultation en ligne, 2 juillet 2011. On voit ici Jean Lesage accompagnant la Reine et le début de la légende de cette photo se lit comme suit: « UNE REINE DÉLICIEUSE, UN PREMIER MINISTRE HEUREUX [...] ».
Le couple royal avait un itinéraire serré qui les a mené à Québec les 10 et 11 octobre 1964. Mais ce n'est pas la visite comme tel qui marque encore aujourd'hui une partie de l'imaginaire collectif québécois. Ce sont les manifestations qui ont accompagné cette visite et surtout la répression policière violente autour de ces manifestations. Bien que le couple était présent pendant presque toute la fin de semaine à Québec, ce sont les événements du samedi qui retiennent toute l'attention.
Source: L'Action, Lundi 12 octobre 1964, p. 1. Bibliothèque et archives nationales du Québec, consultation en ligne, 2 juillet 2011. Cette photo montre le journaliste pigiste américain Marc Scheiller (à droite) aux prises avec un policier de Québec.
Comme lors de chaque passage de membres de la famille royale, une série de rencontres et de réceptions sont prévues. L'arrivée du couple à Québec était prévue à 9h, samedi le 10 octobre et la première cérémonie d'importance devait se dérouler à l'Assemblée nationale et autour de la colline parlementaire. Un premier discours était prononcé devant le Conseil législatif qui siégeait dans l'Hôtel du Parlement de Québec. La reine allait prononcé une phrase qui allait prendre une tournure ironique dans cette journée: « Mon ardent désir est que personne parmi mes peuples ne subisse la contrainte » (L'Action, 12 octobre 1964, p. 1).
En effet, les premiers affrontements ont lieu à l'extérieur de l'Hôtel du Parlement. Des manifestants de partout au Québec sont réunis et se mélangent à une poignée de démonstrateurs s'étant réunis pour accueillir la reine. La quelque centaine de manifestants, presque noyée dans une imposante marée de plus d'un millier soldats ou de policiers, scandait farouchement leur opposition. La situation a alors rapidement escaladé, la tension laissant la place aux affrontements physiques directs. Il faut dire qu'avant l'arrivée du couple royal, les autorités policières de Québec avaient rapidement déclaré, par l'entremise du chef Roger Lemire, qu'elles ne toléreraient aucune manifestation. (L'Action, 10 octobre 1964, p.1)
Source: Archives LE SOLEIL, « «Le samedi de la matraque». Le 10 octobre 1964, pendant le jour jusque tard dans la nuit, la police de Québec pourchasse et matraque les manifestants, les journalistes et aussi de simples citoyens. », consultation en ligne, 2 juillet 2011.
De l'Hôtel du Parlement, les manifestants se sont ensuite dirigés vers l'Hôtel de ville de Québec pour réclamer la libération des quelques arrêtés de l'avant-midi dont le boxeur Reggie Chartrand. Mêmes affrontements violents avec les policiers. Plus tard, c'est autour des remparts de la ville, près du bastion de la reine, que les manifestants et les forces de l'ordre s'affrontent. Finalement, les derniers affrontements violents de la journée se sont déroulés en soirée, en marge du bal organisé au Château Frontenac. Bref, à chaque étape de la journée du samedi, la reine a été suivie par des manifestants; à chaque étape, ces manifestants ont été « matraqués » par les forces policières. Et à chaque affrontement, les forces policières agissent de plus en plus rapidement et brutalement. Tous les passants, incluant pacifistes, badauds et journalistes, sont la cible des coups de matraque.
Bien que la visite s'est poursuivie le dimanche, le cortège royal a pu faire ses déplacements sans être réellement dérangés, ne serait-ce que par un petit groupe d'étudiants sur le campus de l'Université Laval qui ont, eux aussi, été dispersés par les forces de sécurité. On peut résumé facilement la visite royale de 1964 par le titre d'un article du journaliste Jacques Jobin dans le journal l'Action, du 12 octobre 1964: « Accueil froid de la population - Gestes d'une fermeté exagérée des membres de la Sûreté municipale - 32 arrestations ». Encore aujourd'hui, les événements du 12 octobre 1964 sont connus au Québec comme le « samedi de la matraque ». Tous ces événements s'inscrivent, bien entendu, dans un contexte politique et social tout à fait particulier au Québec des années 1960, mais il allait clairement donner le ton aux relations entre les nationalistes québécois et la monarchie canadienne pour les décennies à venir. Les méthodes ont peut-être changé, mais les enjeux semblent toujours d'actualité.
Quelques liens
- Le dossier sur les Archives de Radio-Canada. Ce dossier contient un document vidéo de plus de 55 minutes sur la visite à Québec.
- Ci-haut, une copie de qualité moyenne d'un vidéo du réseau TVA à propos des événements du « samedi de la matraque ». D'une durée d'un peu plus de 5 minutes, c'est un résumé correct des événements.
- Un documentaire sur le boxeur Reggie Chartrand, arrêté lors des manifestations de Québec, réalisé par Jules Falardeau. Les cinq parties sont en ligne en cliquant sur ce lien.
- Un documentaire sur le boxeur Reggie Chartrand, arrêté lors des manifestations de Québec, réalisé par Jules Falardeau. Les cinq parties sont en ligne en cliquant sur ce lien.
Je me souviens de cette journée, je travaillais à la Banque Provinciale du Canada. On nous avait donné "ordre" de rester chez soi, volets baissés ou rideaux tirés. La reine a parcouru des rues complètement désertes. les manifestations et la répression se sont passés devants les bâtiments où elle se rendait.
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