mardi 27 octobre 2009

La vaccination de la grippe de 1976

Depuis lundi le 26 octobre 2009, les autorités médicales provinciales du Québec ont débuté une grande campagne de vaccination pour essayer de mieux faire face à une possible deuxième vague de cas de grippe A (H1N1) qui a d'abord été surnommée grippe porcine. Nous utilisons ici le terme grippe porcine, traduction libre de swine flu, parce que l'épidémie états-unienne de 1976 et sa campagne de vaccination semblent être une des raisons pour lesquelles l'actuelle campagne de vaccination soulève autant de questions.

L'utilisation du terme grippe porcine relève de la possibilité de transmission de cette grippe notamment par et chez le porc. Cependant, si on fait référence à l'épidémie de 1976, on doit parler de deux souches de grippes. Une de type A(H1N1), une variante de la grippe de 2009, et une de type A(H3N2). La grippe de type A(H1N1) a été à cette époque localisée près de Fort Dix, New Jersey et a causé directement un seul décès en plus de forcer une dizaine de personnes à se faire hospitaliser. La peur vient du fait que l'on associait cette branche d'influenza avec celle de la grippe espagnole de 1918...

La deuxième souche de grippe (H3N2) ou grippe Victoria qui s'est plus largement répandu, n'a cependant pas causé un nombre élevé de décès. Cependant, la peur de voir deux souches virulentes de grippe frappé la population des États-Unis au même moment très tôt au printemps, avait forcé l'administration à prendre des mesures drastiques et à assurer une campagne de vaccination à très grande échelle pour l'automne 1976 pour prévenir une deuxième vague. C'est à ce moment que les problèmes vont commencer.

Après une campagne de relations publiques qui avait laissé la population sur sa faim, le National Influenza Immunization Program débute sa campagne de vaccination le 1er octobre 1976. Une campagne qui connaît un début très lent... qui n'allait pas s'améliorer. Le 10 octobre à Pittsburgh, trois personnes de plus de 70 ans et cardiaques meurent quelques heures après avoir reçu le vaccin dans la même clinique. (1) Bien entendu, la panique gagne rapidement la population au point que le président Gerald Ford se fera vacciner, avec sa famille, en direct à la télévision, le 14 octobre 1976, malgré le fait que les décès n'aient finalement pas été attribués au vaccin.

La campagne sera suspendue le 16 décembre 1976, alors qu'au moins 40 millions (certaines sources évoquent jusqu'à 48 millions) de citoyens des États-Unis ont été vaccinés, soit un peu plus de 20% de la population. Cependant, le principal problème de relations publiques de ce programme est le nombre élevé de cas du Syndrome de Guillain-Barré. En effet, environ 532 cas du syndrome ont été notés entre le début et la fin du programme de vaccination chez des patients ayant reçu le vaccin(2).

Le Syndrome de Guillain-Barré est une maladie qui affecte les nerfs et peut provoquer des paralysies très légères, voire indétectable, mais aussi des paralysies graves et complètes d'une grande partie du corps menaçant directement la vie du malade. Comme ce syndrome est potentiellement mortel et qu'un lien a été créer, au moins par les médias (puisque les autorités médicales n'étaient pas unanimes), entre celui-ci et le vaccin, la population a éviter de se faire vacciner et l'opinion publique a forcer les dirigeants politiques a arrêté le programme de vaccination. En 1976, 25 personnes seraient mortes des conséquences du Syndrome, sur les 223 décès liés aux complications de la grippe.(3)

Le programme de vaccination des États-Unis de 1976 a été préparé très rapidement, appliqué très rapidement et son efficacité a été rapidement mise en doute par des décès subits. C'est l'opinion publique et le reflet des médias qui ont grandement contribué à l'arrêt du programme... sans parler, bien entendu de la quasi-disparition de ces souches de l'influenza au début de l'année 1977...


Sources

1- NEUSTADT, Richard E. and Harvey V. FINEBERG, M.D., The Swine Flu Affair: Decision-Making on a Slippery Disease (1978), p. 56, livre consulté en ligne au http://www.nap.edu/catalog.php?record_id=12660, le 26 octobre 2009.

2- SCHONBERGER LB, et al., "Guillain-Barre syndrome following vaccination in the National Influenza Immunization Program, United States, 1976-1977.", Amercian Journal of Epidemiology, Août 1979, volume 110, numéro 2, pp.105-23.

3- RETAILLIAU, HENRY F., et al., "ILLNESS AFTER INFLUENZA VACCINATION REPORTED THROUGH A NATIONWIDE SURVEILLANCE SYSTEM, 1976–1977", American Journal of Epidemiology, 1980, Vol. 111, No. 3, pp. 270-278

mardi 20 octobre 2009

Le tramway électrique de Québec, 1897-1948

En pleine campagne électorale pour les élections municipales à Québec, alors que deux partis politiques (le Renouveau Municipal de Québec et le Défi Vert de Québec)ont décidé de faire de la construction d'un tramway un enjeu électoral (en plus de l'équipe Labeaume qui n'est plus contre) regardons un peu comment le tramway a déjà été utilisé à Québec.

On peut remonter, dans les rues de Québec, à l'apparition des tramways hippomobiles en Haute-Ville, mais d'abord dans le quartier Saint-Roch. En effet, la Quebec Street Railway commence à faire circuler un tramway hippomobile (donc tiré par des chevaux) dès 1865 entre les marchés Champlain et Jacques-Cartier. Cela se fait une dizaine d'année avant que le service se développe en Haute-Ville grâce notamment au travail de la St. John Street Railway qui lance le même service en Haute-Ville en 1878. Ces services seront les seuls services de transport en commun jusqu'en 1897.(1)

C'est en 1894 que l'entrepreneur Horace Beemer, l'homme à la tête du chemin de fer Québec-Montmorency-Charlevoix, fait les démarches pour obtenir l'autorisation d'utiliser les rues de la ville pour l'implantation d'un train, puis d'un tramway électrique (règlement 335, juin 1895)(2). Le réseau sera construit en 1896 et 1897, mais ce ne sera cependant que le premier souffle de cette nouvelle industrie. Le tramway prendra réellement son envol sous les auspices de la Quebec Railway, Light & Power Co. qui regroupera tous les services électriques de Québec incluant le tramway, à partir de 1899, dans un monopole que les citoyens appelleront "le Merger" (traduction libre de fusion). Avec le système mis en place par la QRL&P, la ville de Québec a pour la première fois un système moderne de transport en commun.

Les premiers tramways électriques de Québec fonctionne grâce à la centrale de la chute Montmorency qui appartient à la même compagnie et qui permet aux chars de parcourir les rues de la ville. Les tramways de 5,5 mètres de longueur (petites rues de la ville de Québec oblige) seront entreposés et réparés sur la rue Saint-Jean. Les quatre premiers circuits seront à peu près les suivants: 1- de Saint-Pierre à St-Vallier en allant faire un tour dans l'actuel quartier Saint-Sauveur pour revenir par Langelier, des Fossés (actuel Boulevard Charest) jusqu'à Dalhousie (juillet 1897); 2- de la rue de la Couronne à la rue St-Jean en montant (sans problème) la Côte d'Abraham (août 1897); 3- Rue d'Youville à des Érables en passant par St-Jean (fin août 1897); 4- de la rue Champlain jusqu'au Château Frontenac en passant par le côte du Palais (fin 1897).(3) La plus imposante structure de ce parcours, outre les câbles, est certainement le trestle qui permet de grimper la côte du Palais, un imposant pont de fer et d'acier de presque 200 mètres de longueur (à peu près sur le tracé de l'actuelle côte Dinan.(4)

Le service était assuré à l'année par la QRL&P qui avait son propre service d'entretien des rues ou plutôt de ses rails en ville. En fait, tout l'entretien se fait directement par la compagnie privée. C'est dans les années 1910 que le tramway va successivement voir son trajet allongé vers Sillery (via Saint-Cyrille, l'actuel Boulevard René-Lévesque) et vers Beauport, suivant l'actuel boulevard des Chutes.(5)

C'est vers le milieu du XXe siècle que l'automobile et surtout l'autobus pour le transport en commun viendront supplanter le tramway. En effet, les premiers autobus apparaissent vers 1937, mais prendront définitivement la place du tramway en 1948 avec la fermeture de la dernière ligne de tramway dans Saint-Sauveur.


Source et notes
1- Gilbert BERGERON, "La belle époque des tramways", dans Cap-aux-Diamants, numéro 20, hiver 1990, p. 19.

2- Marc VALLIÈRES, "Capitale provinciale et institutions urbaines", dans Histoire de Québec et de sa région, Québec, Presses de l'Université Laval, 2008, Tome 2, p. 1274.

3- Gilbert BERGERON, loc. cit., p. 21.

4- Ville de Québec - Les tramways, site consulté le 14 octobre 2009.

5- Idem

samedi 17 octobre 2009

Petite mise à jour et ajustements

Comme chaque projet, il y a une période d'ajustement(s)...

C'est la même chose pour HISTOIRE ET SOCIÉTÉ. Notre équipe se confirme et se solidifie d'un côté et de l'autre, le fondateur du blogue qui avait prévu d'autres messages est victime d'un rhume. Donc impossible de remettre à jour une deuxième fois cette semaine tel que prévu. Avec notre équipe, nous n'aurons plus ces problèmes.

Seulement pour vous confirmer que le blogue n'est pas mort, loin de là; que les réponses de collaborateurs potentiels ont été très intéressantes et que plusieurs projets parallèles à ce blogue risquent de prendre forme.

À suivre en fin de semaine si tout va bien ou la semaine prochaine:
- L'histoire des tramways à Québec

À venir:
- Bibliographies commentées sur des sujets historiques d'intérêts;
- Les équipes de hockey de la ville de Québec;
- Les grands amphithéâtres de Québec;
- La Bataille de Sainte-Foy (28 avril 1760);
- Et beaucoup de surprises...

mardi 13 octobre 2009

La grippe espagnole de 1918

Par les temps qui courent, les médias semblent avoir à coeur la deuxième vague de la grippe A (H1N1) ou grippe porcine comme elle fût d'abord surnommée. Bien que des épidémies de grippes aient frappées et frappent encore notre planète, (pensons par exemple à l'épidémie de grippe H5N1 (aviaire, en 2005), la grippe de Hong Kong de 1968 ou même la grippe asiatique de 1957), il est important de se rappeler un peu l'histoire de la précédente épidémie qui ait frappé Québec, celle de la grippe espagnole de 1918.

La maladie est recensée en mai 1918, mais elle n'arrive "officiellement" à Québec, donc dans les médias, qu'autour du 27 septembre 1918 à Québec.(1) Ce n'est pas que les cas ne sont pas connus, mais en ville, les journaux n'en font guère mention. S'ensuit une véritable petite guerre de relations publiques alors que d'un côté le président du Conseil d'hygiène du Québec, le Docteur Arthur Simard déclare que la grippe espagnole n'existe pas, que nous faisons simplement face à une grippe saisonnière particulièrement virulente, tandis que le coroner de la ville de Québec, le Docteur Jolicoeur, affirme que la situation est menaçante et que le département d'hygiène de la ville n'a rien fait.(2) Ces houleux débats, tantôt alarmistes, tantôt minimisant les effets de cette grippe, seront rapidement éclipsés par la situation qui deviendra hors de contrôle.

À Québec, c'est le Bureau de santé qui forcera "[...] la fermeture des théâtres, des écoles, des tavernes et même des églises, en plus de restreindre les heures d’ouverture des magasins"(3) en octobre 1918. Malgré cela, la grippe frappe fort au milieu du mois d'octobre 1918, avec ses effets les plus dévastateurs ressentis entre le 10 et le 20 octobre. Elle fait pratiquement 500 morts dans la seule ville de Québec, dont une quarantaine de victimes par jour du 14 au 20(4). "Les corps publics, lents à s'émouvoir, s'étaient mis en branle, poussés aussi bien par les critiques que par l'évidence que la maladie dépassait en virulence les grippes ordinaires."(5)

La ville est pratiquement fermée pour une bonne partie du mois et les secours s'organisent. Le manège militaire est mis en quarantaine dès le 2 octobre et des écoles (notamment l'école Saint-Maurice de Limoilou) seront utilisés comme hôpitaux ou cliniques de fortune temporaires. La Société Saint-Vincent-de-Paul, les communautés religieuses de la ville (en particulier les Soeurs Servantes du Sacré-Coeur de Marie et les Soeurs Franciscaines Missionnaires de Marie)(6) en plus des étudiants en médecine de l'Université Laval et de la Ligue des ménagères qui fourniront du personnel médical bénévole (assistants, infirmiers et infirmières) pour passer à travers cette crise, seront tous appelés à contribuer.

Tout cela se déroule rapidement, alors que les premiers cas dans le monde étaient diagnostiqués au début de l'année 1918 et que la maladie est "disparue" vers le milieu de l'année 1919. À Québec, la mortalité diminue rapidement dès le début novembre 1918. C'est la dernière épidémie majeure que la ville de Québec ait connue.

Au final, ce que cette grippe montre n'est pas la virulence d'une maladie qui fera tout de même quelques millions de victimes sur notre belle planète, mais l'incapacité des autorités sanitaires et médicales de la ville de Québec à assurer un service de base en temps de crise à tous les citoyens. En effet, les quartiers les plus durement touchés sont les quartiers Saint-Sauveur et Saint-Malo. Au total, ce serait environ 80% des victimes qui résidaient en Basse-Ville(7), malgré les moyens de dernière minute fournis par la ville pour préparer des hôpitaux temporaires, incluant un montant de 25 000 dollars. Une préparation de dernière minute qui a causé bien des maux de tête aux patients et bien certainement au personnel médical qui a également payé un lourd prix de cette épidémie. De leur côté, "les métis indiens de la Réserve de Loretteville" n'auraient pas perdu aucun membre de leur communauté grâce aux plantes médicinales qu'ils utilisent. Dans ce cas-ci, la Berce ou Heracleum.(8)

Pour plusieurs personnes et dans plusieurs quartiers, cette épidémie venait s'ajouter à un climat déjà difficile d'économie de guerre et de "chasse aux conscrits", ces hommes qui refusaient de porter l'uniforme pour aller se battre avec les autres soldats canadiens pendant la Première Guerre mondiale. La décennie 1910 se terminait sur un épisode assez difficile...

Notes
1 - Antonio DROLET, "L'épidémie de grippe espagnole à Québec en 1918", dans Yolande BONENFANT, Trois siècles de médecine québécoise, Québec, La Société historique de Québec, 1970, Cahiers d'histoire no. 22, p. 99.

2- Antonio Drolet, loc. cit., p. 100.

3- Site Internet de la ville de Québec, consulté le 10 octobre 2009.

4- Réjean LEMOINE, "La grippe espagnole de 1918 à Québec", Cap-Aux-Diamants, Volume 1, Numéro 1, printemps 1985, p. 39.

5- Antonio Drolet, loc. cit., p. 104.

6- Antonio Drolet, loc. cit., p. 106.

7- Réjean LEMOINE, loc. cit.

8- Antonio Drolet, loc. cit., p. 106.

dimanche 11 octobre 2009

Bienvenue sur le blog HISTOIRE ET SOCIÉTÉ

Nous en profiterons, deux fois par semaine, pour nous pencher sur des sujets historiques en lien avec des sujets d'actualité (par exemple en offrant un exposé sur des épidémies qui ont touché notre planète par le passé ou sur les précédentes crises économiques).

Nous espérons apporter un regard frais, dynamique et passionné sur des sujets qui ne se font pas offrir le "traitement" socio-historique qu'ils mériteraient dans nos médias.

Basé à Québec, les sujets d'actualité nord-américain seront privilégiés, mais ne seront pas exclusifs.

J'espère que vous serez nombreux à nous lire.

N'hésitez pas à nous fournir vos suggestions de sujets en nous répondant ici ou en écrivant à histoiresocieteAROBASgmailPOINTcom