jeudi 27 mai 2010

Grande nouvelle: Histoire et Société à la radio?

Ce n'est pas vraiment une transposition du blogue. Mais à partir du lundi 31 mai 2010, je vais présenter une chronique hebdomadaire sur l'histoire de la ville de Québec sur les ondes de la station de Québec, Sortir-FM (106,9 FM). La chronique sera présentée dans l'émission de Martin Pouliot, Vivement Québec. La chronique devrait être présentée autour de 17h15.

C'est un retour dans les médias de façon régulière pour moi après mon passage à la station radio de Radio-Canada (Québec) à l'été 2006 et mon passage à l'émission de télévision 400 fois Québec de Radio-Canada.

C'est la première. Je ne sais pas encore pour combien de temps j'y suis, mais c'est le début d'un retour peut-être à long terme sur les ondes FM, alors restez brancher!

En passant, ma collaboration à l'émission ne devrait pas nuire à la mise à jour hebdomadaire de Histoire et Société. Peut-être que la mise à jour sera déplacée plus tard dans la semaine. Des petits ajustements sont certainement à prévoir. Mais ce n'est pas la fin du blogue!

Bonne écoute et à mardi prochain pour la mise à jour du blogue!

mardi 25 mai 2010

L'histoire de Dollard des Ormeaux (1635-1660)

Hier, les gens du Québec célébraient la journée nationale des Patriotes. Jour férié célébré depuis 2003 pour venir en concurrence directe avec la fête de la Reine (Victoria Day), la fête a longtemps eu une connotation particulière au Québec alors que la reine Victoria était remplacée par Dollard des Ormeaux, un «héros obscur» de la Nouvelle-France. Qui était donc ce Dollard, quelle est sa véritable histoire? Voilà les questions auxquelles nous tenteront de répondre. Nous ne cherchons pas à comprendre tout le débat commémoratif à son sujet. Pour ce faire, nous vous invitons à lire la très instructive étude de Patrice GROULX, Pièges de la mémoire : Dollard des Ormeaux, les Amérindiens et nous, Hull, Éditions vents d'ouest, 1998, 436 pages.

http://www.ventsdouest.ca/photo/grande/L97829216037061.jpg

Source: Site Internet de l'éditeur Vents d'ouest, consultation en ligne, 25 mai 2010.

Né à Ormeaux, en France, Dollard arrive en Nouvelle-France à la fin des années 1650 (vraisemblablement en 1658), et se fait offrir le commandement d'un petit fort près de Ville-Marie. À cette époque, les Français du territoire laurentien sont en guerre avec les Iroquois, principalement les Agniers (Mohawks). Bien que la situation semblait s'être calmée au début des années 1650, l'année 1660 est particulièrement importante puisque d'importantes rumeurs d'attaque ouverte par les Cinq-Nations iroquoises sur les villes de Québec, Trois-Rivières et Ville-Marie se font persistantes. C'est dans l'espoir de contrer ces attaques, mais surtout de faire un peu d'argent  que Dollard des Ormeaux organise un groupe de jeunes hommes pour aller affronter les Iroquois.


Source: Pierre-Louis Morin (peut-être), Paul Chomedey de Maisonneuve (vers 1885), tiré Benjamin Sulte, l'Histoire des canadiens-français, consultation en ligne, 25 mai 2010.

Dollard a pu rencontrer Maisonneuve dans les premières semaines de 1760 pour lui exposer son plan pour sécuriser le site de Long-Sault, sur la rivière des Outaouais. Ainsi, il pourrait court-circuiter les trajets amérindiens des fourrures vers le sud pour assurer la venue vers Ville-Marie des fourrures de différentes nations intéressées à commercer avec les Français. Cette action permettrait ainsi aux marchands de Ville-Marie (une ville de moins de 400 âmes) de pouvoir se garder la tête hord de l'eau et de ne pas mettre à exécution leurs menaces de quitter la colonie. Vers le milieu du mois d'avril 1760, Dollard a réussi à rallier à son projet 16 autres jeunes hommes (Lambert Closse, un sergent-major, de même que Charles Lemoyne et Pierre Picoté de Belestre, deux fils de familles bien en vue avaient prévu être du nombre, mais les semences les retinrent) à qui viendront s'ajouter une quarantaine de guerriers hurons et quatre guerriers algonquins. Maisonneuve n'a d'autre choix que d'autoriser le raid prévu par Dollard.

File:Battle of Long Sault 1660.jpg
Source: Battle of Long Sault, 1660, auteur inconnu, consultation en ligne, 25 mai 2010.

Le petit groupe se met en marche de Montréal vers la mi-avril, repousse une petite troupe d'Iroquois à l'Île Saint-Paul (devant Montréal) et atteint Long-Sault, sur le long de la rivière des Outaouais, autour du 1er mai. Long-Sault était un petit fortin qui avait été construit par des guerriers algonquins l'année précédente, mais qui avait été laissé à l'abandon. Le 2 mai, le groupe de Dollard aperçoit quelques éclaireurs iroquois. C'est alors que s'en suit une escalade rapide: une troupe d'Iroquois vient assiéger la position des Français; ils sont repoussés; on négocie la suite des choses; ça n'améliore rien; certains Hurons quittent pour rejoindre les Iroquois qui ont été renforcé par une troupe de quelques centaines de guerriers (jusqu'à 300 selon les sources). Bref, un «siège» qui a probablement duré une dizaine de jours et qui s'est soldé par les mort de presque toute la troupe de Dollard: cinq Français et quatre Hurons survécurent à la bataille, non sans que le petit groupe du Long-Sault n'ait tenté de repoussé les Amérindiens avec des grenades improvisés ou un lancé de baril de poudre à faire exploser (qui selon certains n'aurait pas traversé la palissade et aurait tué une grande partie des défenseurs du fortin)...

http://www.ameriquefrancaise.org/media-384/14_monument_Dollard_des_Ormeaux_Large.jpg
Source: Alfred Laliberté, Monument Dollard des Ormeaux, Parc Lafontaine, Montréal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, consultation en ligne, 25 mai 2010.

La légende est vraisemblablement née du fait que cette bataille ait freinée momentanément les Iroquois d'attaquer la Nouvelle-France et ait permis la reprise du commerce des fourrures pour l'été 1660, sauvant ainsi la Nouvelle-France au grand complet et ayant tué au passage quelques centaines de guerriers iroquois!  Considérant l'importance des augures et pressentiments chez les Amérindiens, cet affrontement et la résistance imprévus ont surement été suffisant pour ralentir l'envie des Iroquois qui ont continué leurs attaques en et ont fait plus de 100 victimes en Nouvelle-France en 1661 (sur une population totale de moins de 2000 âmes!), diminuant ainsi beaucoup l'impact de la bataille de Long-Sault, pendant laquelle une vingtaine d'attaquants iroquois seulement seraient morts...

Pour plus de détails
On vous invite simplement à consulter l'article de André VACHON, «DOLLARD DES ORMEAUX, Adam», Dictionnaire biographique du Canada en ligne, consultation le 25 mai 2010.

Je vous recommande aussi l'article en ligne de Patrice GROULX «Dollard des Ormeaux», Encyclopédie du patrimoine culturel de l'Amérique française, consultation le 25 mai 2010. Cet article offre des liens vers des films et autres documents d'intérêts.

mardi 18 mai 2010

Henry Morgentaler et l'avortement au Québec depuis les années 1960

Suite aux récentes déclarations du cardinal Marc Ouellet sur l'avortement lors d'un rassemblement pro-vie à Québec en fin de semaine dernière (lire le texte de cyberpresse ici), déclarations qui ont suscitées de vives réactions, nous avons cru bon vous présenter la petite histoire de l'évolution de la pratique de l'avortement dans la province de Québec, surtout à travers les actions du Dr. Henry Morgentaler. Nous sommes tout à fait conscient que ce texte parle seulement du processus de «décriminalisation» puis de «légalisation» de l'avortement, sans parler du mouvement pro-vie. Comme nous l'avons mentionné dès le départ du blogue, Histoire et Société ne sert pas pour autant à commenter l'actualité: c'est seulement l'angle qui nous apparaît le plus intéressant. Le but n'est pas ici de débattre d'opinions actuelles, mais de parler d'histoire en relation avec l'actualité.

http://www.nationalpost.com/opinion/253949.bin?size=404x272
Source: Dave Sidaway, Dr. Henry Morgentaler en 1975, dans David Frum, "The Day Humanity Became Cheap", National Post, 22 janvier 2008. Consultation en ligne, 17 mai 2010.

Bien que déjà "criminalisé" par le code criminel en vigueur dans le Dominion en 1869, la pratique de l'avortement est spécialement visée dans la première mouture du code criminel de 1892. L'avortement de même que plusieurs autres techniques de limitation des naissances (vasectomie, hystérectomie, contraception, etc.) sont criminalisées et passibles de peines de prison. Dans les premières décennies du XXe siècle, surtout à partir des années 1920, les premières ressources de contrôle des naissance et de planification familiale vont faire leur apparition et vont faire significativement diminué la taille des familles surtout en milieu urbain à travers le pays. Mais on ne parle pas encore d'avortement.


Source: Dr. Elisabeth Bagshaw, consultation en ligne, 18 mai 2010. La docteure Bagshaw ouvre la première clinique de planification familiale au Canada en 1932 en Saskatchewan. Ce genre de clinique est alors encore illégal.

L'un des principaux défenseurs de l'avortement légal au Canada est certainement le Dr. Henry Morgentaler. Immigrant polonais, brièvement emprisonné à Auschwitz, Morgentaler arrive au Canada en 1950. Diplômé de l'Université de Montréal (1953), il pratique la médecine "générale" jusqu'en 1968. C'est cette année que Morgentaler décide d'offrir des avortements sécuritaires en clinique privé, de façon illégale. En effet, en 1969, Ottawa avait décriminalisé l'avortement pratiqué dans un hôpital public, si la grossesse mettait la vie de la mère en danger (article 251 du Code criminel). Ce n'est donc pas le cas des avortements pratiqués par le Dr. Morgentaler.

Source: Antoine Desilets, Manifestation du comité de défense du Docteur Morgentaler (1979), Archives nationales du Québec à Montréal, fond Antoine Desilets, cote p697. Consultation en ligne, 17 mai 2010.

Morgentaler sera d'ailleurs arrêté à Montréal le 1er juin 1970 pour cette raison. Morgentaler subira trois procès dans les années 1970. Il gagne son premier procès en 1973, (Morgentaler affirme en 1973 avoir déjà pratiqué 5000 avortements illégaux) mais la cour d'appel du Québec renverse la décision et il restera 10 mois en prison. Lors d'un deuxième procès en 1975, un jury le trouve non coupable, mais il est déjà en prison. Sorti de prison, le gouvernement du Québec tente de lui faire un nouveau procès, ce que le nouveau gouvernement majoritaire du Parti québécois laissera tomber après son élection, le 15 novembre 1976. C'est aussi en 1975 que Morgentaler essaye de renverser la loi canadienne qui criminalise l'avortement, mais ses démarches n'aboutiront pas à une victoire pour lui alors que la cour suprême du Canada tranche à 6 contre 3 dans le cadre de l'arrêt Morgentaler c. La Reine (1976) en faveur du statut criminel des avortements.

ABORTION 
ISSUE. (item 1)
Source: Roy Careless, Abortion Issue, Bibliothèque et Archives du Canada, consultation en ligne, 18 mai 2010. Cette caricature montre Brian Mulroney, vraisemblablement peu de temps après la décision de 1988, accroché à un rhinocéros géant représentant le dossier de l'avortement et tenant une girouette... hésitant à aller d'un côté ou d'un autre...

En 1988, Morgentaler (avec Dr. Richard Scott et Dr. Leslie Frank Smoling) revient à la charge. Cette fois, la cour suprême tranche en sa faveur dans l'arrêt R. c. Morgentaler. Depuis cet arrêt, aucune loi ne criminalise l'avortement au Canada puisque l'article 251 qui régissait ces pratiques est entièrement aboli. Le Canada devenait alors le premier pays occidental à décriminaliser complètement l'avortement. Le gouvernement progressiste-conservateur de Brian Mulroney a bien essayer d'encadrer la pratique des avortements aux seuls cas nécessaires en raison de "santé" et de criminaliser des autres cas (les médecins devenant passibles d'une peine d'emprisonnement de deux ans), mais le Sénat a bloqué le projet de loi qui avait été adopté par la Chambre des communes en 1989. Morgentaler va pratiquer des avortements jusqu'en 2006. Aujourd'hui, il supervise encore la pratique dans six cliniques privées qu'il a fondées. Au Canada, entre 2002 et 2006,  selon Statistiques Canada, il se pratiquait encore entre 91 000 et 105 000 avortements provoqués par année.

Pour plus de détails
* Le film Democracy on Trial: the Morgentaler Affair de Paul Cowan (1984) parle amplement de cette histoire et est disponible sur le site de l'Office national du film du Canada.

* Les archives de Radio-Canada et de CBC offrent aussi des dossiers complets sur le Dr. Morgentaler, sa vie et sa pratique.

* Campagne Québec-Vie est l'organisateur de l'événement dans lequel Mgr Ouellet s'exprimait. Ce groupe regroupe les informations sur toutes les campagnes "pro-vie" actuellement en cours au Québec (euthanasie, avortement, etc.)

mardi 11 mai 2010

Le siège de Québec par François-Gaston de Lévis, 28 avril à mi-mai 1760

La grande série de Histoire et Société pour le 250e anniversaire du siège de Québec tire à sa fin. Il y a 250 ans, les Français s'apprêtaient à lever le siège de la ville, à concéder Québec aux Britanniques. Comment s'est déroulé ce bref siège de la ville et pourquoi les Français ont-ils dû retraiter vers Montréal?

Fortifications of Montréal.
Source: D. Pomarede, Fortifications de Montréal, 1760 (1882). Centre d'archives de Montréal. Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Fonds Famille Bourassa, P266,S4,P121. Consultation en ligne, 11 mai 2010.

Le 28 avril 1760, François-Gaston de Lévis est victorieux sur les plaines d'Abraham, lors de la bataille de Sainte-Foy. Son plan initial, qui était de coupé la retraite à l'armée britannique, ne réussit pas et les troupes de James Murray peuvent retraiter dans la ville de Québec, ironie du sort, derrière les fortifications que les Français avaient eux-mêmes complétées et améliorées l'année précédente. Rapidement, Lévis organise le siège.

http://www.rtsq.qc.ca/quebec/dc052.gif
Source: Thomas Jefferys, A Plan of the City of Quebec the Capital of Canada (1759, publié en 1760. Ceci est une copie).  Consultation en ligne, 11 mai 2010.

La construction de tranchées sur les plaines n'est pas mince affaire. Il faut alors travaillé dans une région qui n'est pas encore tout à fait sortie de l'hiver, avec de la neige, de la gadoue, de la boue. De plus, les Britanniques vont constamment bombarder et faire plusieurs tentatives d'attaquer les soldats français qui construisent les tranchées. On peut dire que la construction des tranchées s'échelonne du 28 avril jusqu'au 8 mai alors que les premiers canons français sont installés et prêts à tirer, feu qui ne viendra que le 11 mai. 


Source: Fort Niagara Canon Demo, 3 novembre 2007, consultation en ligne, 11 mai 2010. Le vidéo est relativement court, mais donne surtout une idée de quelques'uns des ordres, dans un français très cassé, mais correct. Un tir de canon complet comprend encore plus d'ordres que ceci et surtout, en situation de tir soutenu, peut se faire encore plus rapidement.

Les progrès sont très lents, les lignes françaises devant négocier avec le tir soutenu de l'artillerie britannique sur les murs de Québec et aussi avec de petites troupes de volontaires qui tentent de les surprendre, principalement la nuit. De ces deux types d'attaques, les bombardements sont les plus dévastateurs. Le 7 mai, deux déserteurs français évaluent à au moins 500 blessés et tués dans leurs troupes depuis le début du siège (Lévis parle de 500 hommes dès le 30 avril, ce qui nous semble beaucoup). Pour ce qui est des attaques de volontaires, il faut dire que les quelques sorties, effectuées avant le 2 mai, se soldent par des défaites britanniques, tellement que même lorsqu'on offre des récompenses aux volontaires pour harceler les Français, le 1er mai (selon Knox), seulement deux ou trois sergents et quelques soldats se présentent. Pendant ce temps, Lévis envoie des branches de pruches pour soigner le scorbut des soldats de Murray, puis des perdrix pour que les officiers mangent. Murray remercie Lévis en lui envoyant un fromage de Cheshire. On échange des drapeaux de trève. On fait la guerre en dentelle comme des gentilshommes en Europe...

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Source: Cheshire Cheese, mise en ligne en 2006, consultation en ligne, 11 mai 2010. Murray, un officier écossais était habitué aux fromages de Cheshire, produit dans le nord de l'Angleterre et du Pays de Galles. C'est un fromage à pâte ferme qui était probablement le fromage le plus populaire à travers l'armée britannique du XVIIIe siècle.

À Québec, les choses ne sont pas roses; selon le lieutenant Knox, les autorités britanniques vont jusqu'à pendre un soldat (le 30 avril) pour tenter de calmer les troupes désorientées après la défaite. Le 2 mai, Knox avance même que si les Français avaient attaqué Québec entre le 29 avril et le 1er mai, la ville serait probablement tombée tellement les troupes étaient désordonnées. Les Britanniques auraient eu plus de 150 pièces d'artillerie faisant face aux plaines pour contrer les Français durant l'ensemble du siège (le 8 mai, Lévis note dans son journal qu'une soixantaine de pièces seulement semble leur tirer dessus). Bien que les Britanniques doivent subir avec un incendie près du palais de l'Intendant (3 mai), l'explosion d'un coffre de munitions (5 mai) et l'explosion de quelques canons (10 mai), le moral tient et sera même renforcé par l'arrivée d'un premier bateau, le Loestoff, le 9 mai. Surtout que les bombardements français ne seront pas vraiment efficace et feront peu de dégâts. Voici à ce sujet une anecdote rapportée par le lieutenant Knox:
As four Officers of the forty-third regiment were fitting on the ground in a soldier's tent, eating a dish of pease-porridge, a shell pitched within a yard of the door of the tent, and they had barely time to stretch themselves at their length, when the shell burst; but, by being extended flat on the ground, they happily received no other damage than losing their mess, which was overset in the bustle. (captain John Knox, An Historical Journal of the Campaigns in North-American, Londres, 1769, volume 2, p. 312-313).
Les Français encaissent durement le fait que le premier bateau devant Québec soit britannique. Autant c'est une bonne nouvelle pour l'occupant de la ville, autant les troupes de Lévis espèrent des secours de France. Lévis ne désespère pas. Il ordonne le début des bombardements sur Québec le 11 mai. Cependant, la poudre manque; dès le 12 mai, Lévis fait limiter la cadence de tir à 20 boulets par pièce par jour. L'artillerie en fer de petit calibre (la seule pièce de 24 livre ayant explosé), moins efficace dans cette situation que celle de bronze, ne permet pas d'espérer de reprendre la ville, ce qui fait dire à Lévis, le 12 mai: 
On avoit instamment demandé avec quelques vivres de la grosse artillerie et de la poudre, et l'on ne doutoit point de part ni d'autre que la place ne fût assurée à celui qui recevroit les premiers secours. (Casgrain, éd., Journal des campagnes du chevalier de Lévis en Canada, 1756-1760, Montréal, C.O. Beauchemin, 1889, pp.279-280)
On attend donc les secours. Mais après le premier bateau le 9 mai, ce sont deux autres vaisseaux qui arrivent près de Québec le 15 mai (Vanguard et Diana). Les bombardements, loin d'être efficace, ne peuvent plus permettre à Lévis de soutenir seul le siège. Les Britanniques ont eu leurs renforts. Les Français doivent retraiter. On commence à quitter Québec dès le 15 mai au soir et le 17 mai Murray tente une sortie pour poursuivre l'arrière-garde française. Elle n'est déjà plus en vue de Québec. Le siège est terminé.

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Source: Baron Daniel Lescalier, Le Machault,  (1791). Tiré du site Musée Virtuel du Canada, Consultation en ligne, 11 mai 2010. Le Machault, une frégate, avec les deux navires marchand le Bienfaisant et le Marquis-de-Malauze furent les cibles des Britanniques lors de la bataille de la Ristigouche.

Mais où sont les secours français? Ils n'arriveront jamais. Les renforts de France ont quitté l'Europe à la fin avril. Six bateaux seulement forment le convoi vers Québec. De ces six bateaux, trois ne traverseront pas l'océan (à cause du blocus britannique de l'Europe ou de tempête) et les trois autres arriveront trop tard dans le Golfe du Sainte-Laurent. Ces bateaux iront se réfugier dans la Baie des Chaleurs et seront finalement pris ou détruits lors de la bataille de la Ristigouche (3 au 8 juillet 1760).

mardi 4 mai 2010

Bibliographie commentée: la guerre de la Conquête (2)

Juste avant le dernier message avant probablement une longue pause sur la guerre de la Conquête (1754-1760), le siège de Québec (1759-1760) et les sujets qui y sont reliés, message qui sera publié la semaine prochaine sur le siège de Québec par le chevalier de Lévis, je voulais présenter une autre bibliographie commentée sur le sujet. Je vous avais offert la première avant Noël (que vous pouvez consulter en cliquant ici). Est-ce que c'est le dernier volet de cette série? J'en doute. Mais régalez-vous quand même de ces quelques ouvrages. Je vous présente donc cinq autres livres: probablement le meilleur livre général sur la guerre de Sept ans des dernières années, une réédition d'un ouvrage sur un des aspects les plus sombres du siège de Québec par Wolfe, deux sources commentées, un livre sur les exactions britanniques près de Québec et un autre sur les soldats britanniques pendant la guerre de Sept ans. Bonne lecture!

http://www.nebraskapress.unl.edu//images/temp/212-671788-Product_LargeToMediumImage.jpeg
DULL, Jonathan R. The French Navy and the Seven Years War. Lincoln, University of Nebraska Press, 2007 (2005). 472 pages.
J'ai mis ici en lien l'édition à couverture souple de 2007 que j'ai consulté. La première édition de 2005 s'est mérité entre autres le prix France-Amériques et le prix John-Lyman. C'est probablement le meilleur livre sur la guerre de Sept ans qui a été écrit au XXIe siècle. La perspective profondément française de ce livre est très intéressante et la plume de son auteur est très souvent juste. Il couvre un énorme sujet et ne peut pas parler de tout, mais au niveau de l'histoire navale, il est très à jour et encore hors d'atteinte par les autres livres "généralistes" sur la période. Une traduction existe, moins intéressante que l'original, sous le titre de La guerre de Sept ans, histoire navale, politique et diplomatique (Éditions les Perséides, janvier 2009).

TODISH, Timothy J. (éditeur) and Gary ZABOLY (illustrateur). The Annotated and Illustrated Journals of Major Robert Rogers. Fleischmanns, Purple Mountain Press, 2002. 341 pages.
Timothy Todish a fait un travail impressionnant avec cette mise à jour du manuscrit de 1769 parut en Angleterre du journal du major Robert Rogers, officier d'un des groupes de rangers, les Rogers' Rangers, guerriers forestiers des colonies britanniques. Probablement un des groupes frontaliers les plus connus, responsables du massacre du village amérindien de Saint-François en octobre 1759, ce guide illustré et commenté présente une facette bien comprise, mais encore méconnue de la guerre de Conquête, soit les raids frontaliers effectués par les deux armées ou leurs alliés. Très intéressant.

http://www.librairiepantoute.com/img/couvertures_300/5880.jpg
DESCHÊNES, Gaston. L'année des Anglais: la Côte-du-Sud à l'heure de la Conquête. Québec, éditions Septentrion, 2009 (1989). 160 pages.
Historien retraité de l'Assemblée nationale, Deschênes offre une intéressante étude sur l'impact majeur des campagnes d'exactions menées par différents corps expéditionnaires au sein de l'armée de Wolfe, son seul ouvrage sur cette période. Cette nouvelle édition a été publiée juste à temps pour le 250e anniversaire de la bataille des Plaines d'Abraham; cet ouvrage décrit tout de la perspective des habitants de la Côte-du-Sud. Plusieurs images et cartes du livre sont intéressantes.

http://www.septentrion.qc.ca/Photo/Livre/Vignette/L97828944835341.jpg
JOHNSON, Susanna (traduit et annoté par Louis TARDIVEL). Récit d'une captive en Nouvelle-France, 1754-1760. Québec, éditions Septentrion, 2003. 112 pages.
Tardivel présente ici un des récits les plus troublants et les plus saisissants de la guerre de la Conquête. Susanna Johnson et toute sa famille sont enlevés par des guerriers amérindiens sur leur terre de Nouvelle-Angleterre. Elle y raconte son enlèvement, son accouchement en forêt, l'adoption de son fils par les Abénaquis de Saint-François, la vente de sa fille à trois bourgeoises de Montréal, sa détention à Québec, les ruses du chevalier de la Corne... Ce livre donne un visage humain aux exactions commises par les Français, mais aussi et surtout par leurs alliés au courant de la guerre. Fascinant.

http://img.infibeam.com/img/abbd68fd/838/7/9780521807838.jpg
BRUMWELL, Stephen. Redcoats: The British Soldier and War in the Americas, 1755-1763. Cambridge, Cambridge University Press, 2005 (2002). 352 pages.
L'historien britannique offre un portrait général très intéressant et très direct de la vie des soldats britanniques pendant la guerre de Sept ans, à travers l'Amérique, ce qui sort du seul cadre du conflit entre la Nouvelle-France et les 13 colonies. Explique bien l'évolution de la psyché des soldats britanniques, de leurs origines et de leur "émancipation" face au contrôle rigide et unique des pouvoirs en Angleterre. Déterminant pour la suite de l'histoire continentale et un facteur majeur de la guerre de Sept ans en Amérique. À ma connaissance, aucune traduction n'existe.

N'oubliez pas: la semaine prochaine, article sur le siège de Québec par le chevalier de Lévis, 28 avril au 17 mai 1760.