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mardi 24 août 2010

La bière à Québec (2): la brasserie de Joseph Knight Boswell (1843-1887)

Le premier «Festibière» de Québec s'est terminé sur une note positive avec plus de 65 000 visiteurs. Pour une première édition, on peut au moins parler de succès de foule. Ainsi, arrive un deuxième message sur l'histoire de la bière et des brasseurs à Québec en mettant de l'avant la famille brassicole la plus prospère de l'histoire de la Vieille Capitale, les Boswell. Pour le deuxième message de la série sur la bière à Québec, nous découvrirons la naissance et l'évolution de la brasserie Boswell de Québec à travers son fondateur, Joseph Knight Bowsell. 

 
Source: «Le premier conseil d'administration de la National Breweries Limited, élu en 1909», consultation en ligne, 24 août 2010. On peut remarquer Vesey Boswell, première ligne, quatrième à partir de la gauche et C.E.A. Boswell, deuxième ligne, premier à gauche, probablement vers 1909. Ils peuvent donner une idée du visage que leur père pouvait avoir.

Né en 1811 ou 1812 (1811 selon le site du cimetière Mount Hermon, 1812 selon l'épigraphe de la ville de Québec), J.K. Boswell est né à Dublin (Irlande). Apprenti dans une brasserie de Edimburgh (Écosse), il travaille à Québec dans les années 1830 à la Cape Diamond Brewery, alors propriétée de John Racey, qui possède de grandes terres à Beauport et d'au moins une autre brasserie à Québec, la Racey's Brewery (1828-1843). C'est cette brasserie qui sera vendue à J.K. Boswell en 1843. Racey étant un des grands producteurs de bière à Québec au début du 19e siècle, Boswell prend donc le relai de cette «nouvelle» industrie à Québec.

Source: «Quartier Saint-Jean Baptiste - Grande Allée est - Manège militaire - Exposition provinciale», Bibliothèque et archives nationales du Québec, cote P585,D5,P6, consultation en ligne, 24 août 2010. On voit en évidence sur la tonnelle une publicité de Boswell en 1894.

D'abord sur la rue Saint-Paul, Boswell s'installe à Québec pour la même raison que les nombreux autres brasseurs l'avaient fait avant lui au 19e siècle: l'eau. Comme c'est le principal ingrédient de la bière et le plus difficile à faire voyager, Québec est une ville brassicole très intéressante avec ses nombreuses et importantes rivières à proximité. Les brasseurs comme Boswell s'installent largement en basse-ville pour l'accès à l'eau, mais aussi pour avoir accès à un port pour recevoir certains des autres ingrédients et surtout pouvoir exporter leur production vers d'autres régions.


Source: Cliquez sur l'image pour les détails. Musée McCord, Livernois Limité, 1921, consultation en ligne, 24 août 2010.

En 1843, Boswell est donc non seulement brasseur, mais propriétaire. Il se met tout de suite à produire sa bière qui entre dans un marché féroce. En effet, la McCallum's Brewery est à cette époque au sommet du marché de Québec avec la St. Charles' Brewery (anciennement St. Roc's) et Boswell entend bien tirer son épingle du jeu. Il réussira rapidement à obtenir du succès. Tellement qu'il doit agrandir. Le 5 juin1852, il achètera une partie des terrains de l'ancien palais de l'Intendant, donc de l'ancienne brasserie de Jean Talon pour y transférer une partie de ses activités. Ainsi, il continue de brasser sur St-Paul, mais une partie de la fermentation et de l'embouteillage se déroulera sur St-Vallier.

Voûtes du palais de l'intendant
Source: porte de l'édifice toujours debout à l'Îlot des Palais, Québec, juillet 2010. Ce bâtiment fut construit par la famille Boswell dans la seconde moitié du XIXe siècle. auteur, Nicolas Roberge. Consultation en ligne, 24 août 2010.

Bien que Boswell commence d'énormes travaux dans les années 1860, montrant clairement l'expansion de sa production, les affaires vont ralentir, comme pour tous les brasseurs de Québec, dans les années 1870. McCallum fait faillite, Boswell doit donner une partie de ses possessions à des créditeurs de qui il louera ses propres installations. La production de Montréal prend définitivement le dessus sur celle de Québec qui, pour l'ensemble des brasseurs, passe de 750 000 gallons annuellement en 1871 à 112 000 gallons en 1880. La brasserie de Boswell est la seule qui traverse presque intacte cette crise économique avant la reprise de la révolution industrielle des années 1880 à Québec.

http://img72.imageshack.us/img72/6705/boswell2gb2.jpg
Source:  «Bière BOSWELL Ale», consultation en ligne, 24 août 2010. Force est d'admettre que ce logo vient beaucoup plus tard au 20e siècle. Ce n'est pas précisé sur le site Internet en question.

C'est en 1887 que Joseph Knight Boswell cède le contrôle de son entreprise à ses fils, Vesey en tête, qui créeront la Boswell & Brother. J.K. Boswell meurt à Québec en 1890, mais cela ne marque pas la fin de l'entreprise familiale. Les années qui suivent viendront confirmer la place importante que la brasserie a su reprendre sur le marché régional et provincial. Ce sera cependant, le sujet d'un autre message.

lundi 16 août 2010

La bière à Québec (1): la brasserie de Jean Talon

Cette semaine à Québec s'ouvrira la première édition du Festibière de Québec à l'Espace 400e.  Ce festival se tiendra du jeudi 19 au dimanche 22 août 2010. Ce premier festival de la bière dans la Vieille Capitale est une occasion de découvrir quelques brasseurs et brasseries d'ici et d'ailleurs, d'assister à quelques conférences sur la bière et même de découvrir l'histoire de la bière à Québec à travers un circuit historique. Voici un premier message à propos de l'histoire de la bière à Québec et surtout à propos de son origine: la brasserie de Jean Talon. Vous avez bien lu; d'autres messages sur l'histoire de la bière dans la ville de Québec sont à suivre.

Jean Talon
Source: Théophile Hamel, «Talon», Musée de la civilisation, Dépôt du séminaire de Québec, No. 1993-16425, consultation en ligne, 16 août 2010.

Bien peu de bière se brasse à Québec pendant près 200 ans. Jusqu'à la révolution américaine (1776) et à l'arrivée des Loyalists et même jusqu'au début du 19e siècle, Québec n'est pas reconnue pour ses brasseries «industrielles», on entend ici qui seraient capables de desservir une bonne partie de la population. Certes, quelques communautés religieuses ou individus brassent de petites quantités de bière ou font leurs alcools «maison» pendant tout le régime français, mais la production vient essentiellement de l'extérieur; bien que les quantités de bière dépassent probablement la consommation domestique, on ne parle pas de production à grande échelle. C'était sans compter sur le premier Intendant de la colonie, Jean Talon (ci-haut).

http://www.amisdejeantalon.fr/images/01brasserie.jpg
Source: «Plan de la brasserie en 1686», consultation en ligne, 16 août 2010. Cette image est probablement un détail d'une image disponible à Bibliothèque et Archives Canada sous la cote C 50292.

Premier officier de justice, mais également un des principaux responsables des cordons de la bourse de la colonie, Talon arrive à Québec avec des projets. En poste de 1665 à 1668 puis de 1670 à 1672, il essayera de mettre sur pied de petites ou grandes entreprises pour tenter de faire fonctionner l'économie locale pour et par ses habitants. Parmi ces projets, Talon désire implanter une grande brasserie (ci-haut) à Québec. Déjà en chantier en 1667, la brasserie commence à produire vers 1670. Sa production? Environ 4000 barriques de bière par année, soit environ 800 000 litres (donc une barrique équivaut environ à 200 litres de bière) pour une population (à Québec) d'environ 4000 âmes, femmes et enfants inclus. Talon destine la moitié de la production à Québec, l'autre aux Antilles (ce qui s'inscrit parfaitement dans le modèle du commerce triangulaire entre la France et ses colonies existant à l'époque).

A traditional brewery
Source: «A traditional brewery», auteur inconnu, consultation en ligne, 16 août 2010.

Bien que la bière soit d'assez bonne qualité (un maître-brasseur supervise l'opération) et que la colonie dispose de suffisamment de surplus agricoles pour alimenter la production, la bière produite n'est pas vraiment bon marché et ne peut réussir à bien concurrencer les autres produits d'Europe.  On réussit à vendre la barrique à environ 25 livres, ce qui est asses élevé. En plus, l'exportation aux Antilles ne fonctionne pas bien parce que les prix sont trop élevés comparativement à ce que d'autres puissances européennes arrivent à offrir. Talon réussit également, au nom de l'ordre public, à limiter l'importation de vins et spiritueux d'Europe (ce qui stimulerait la consommation de produits «locaux»), mais cette mesure du Conseil souverain ne connaît pas un grand succès. La bière demeure un produit consommer, mais qui ne tient pas le haut du pavé face au vin (chez les classes plus aisées) et aux autres spiritueux.
http://www.frontenac-ameriques.org/IMG/jpg/fresque_quebecois.jpg
Source: N. Prévost, «Louis de Buade sur la Fresque des Québécois, ville de Québec», photographie, consultation en ligne, 16 août 2010.
 
L'aventure de la brasserie de Jean Talon se termine en 1675 avec la nomination, au poste de gouverneur de la colonie du comte de Frontenac (ci-haut). En effet, Louis de Buade, comte de Frontenac est nommé à la tête de la colonie en 1672, année du départ de l'intendant Talon pour la France. Alors seul à gouverner la colonie (Talon est rappelé, l'évêque François de Laval est en France), Frontenac ne voit pas l'intérêt de cette brasserie et les avantages administratifs de la bière seront annulés.  La brasserie servira d'abord d'entrepôt de poudre (vers 1677) puis le magasin du Roy (début de la décennie 1680) avant qu'on décide d'y aménager le palais de l'Intendant (qui sera utilisé comme tel jusqu'à son incendie de 1713).