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samedi 27 novembre 2010

Le choléra à Québec en 1832

Une des conséquences les plus importantes à court terme pour la population de Haïti suite au tremblement de terre du 12 janvier 2010 est l'actuelle épidémie de choléra qui sévit sur l'île. Comme en font foi les nombreux textes des dernières semaines en ligne sur le site du quotidien Le Devoir, sur le site de Cyberpresse ou encore sur le site de Radio-Canada, cette épidémie est devenue un enjeu électoral en plus d'une importante crise humanitaire. Dans les conditions actuelles, c'est un imposant défi que de limiter la propagation d'une telle épidémie. Mais si on regarde dans l'histoire de la ville de Québec, le choléra a été aussi été un fléau majeur. Pour illustrer notre propos, nous allons étudier en particulier l'épidémie de 1832.

Estampe | Vue de Québec depuis la Pointe De Lévy, QC, 1832 | M21613
Source: Site Internet du Musée McCord, consultation en ligne, 27 novembre 2010. Cliquez sur l'image pour plus de détails.

1832. Québec (ci-haut) est une ville en plein développement. Le commerce du bois avec l'Angleterre fleuri et la présence des marins en ville se fait sentir. Le ville se développe de plus en plus vers le nord avec l'agrandissement du quartier Saint-Roch. Les soldats britanniques sont toujours présents en ville. Mais surtout, l'immigration de masse en provenance d'Europe en est à ses premières années. Et c'est le moment où le choléra frappera la première fois la ville. Cette première épidémie est en réalité la poursuite d'une épidémie qui aurait fait surface en Inde à la fin des années 1920. 

Source: « Scanning electron microscope image of Vibrio cholerae bacteria, which infect the digestive system. » consultation en ligne, 27 novembre 2010.

En termes simples, le choléra est une infection des intestins qui se transmet par les liquides et aliments infectés par un bacille. Les principaux symptômes sont des maux de ventres et surtout des diarrhées agressives et très liquides qui causent une déshydratation rapide qui peut provoquer la mort de la personne atteinte en quelques heures ou quelques jours. Bien que ces informations sont aujourd'hui connues, ce n'était pas nécessairement le cas en 1832 alors que la 

Cholera Plague, Quebec
Source: Joseph Légaré, « Le choléra à Québec » (vers 1832), huile sur toile, Musée des Beaux-Arts du Québec (no. 7157), consultation en ligne, 27 novembre 2010.

Le lundi 11 juin 1832, Le Canadien (p. 2): « Nous avons la douleur d'annoncer que la maladie terrible, dite Choléra, qui règne en Europe depuis une couple d'années a commencé d'étendre ses ravages en cette ville. » On annonce aussi que les premiers cas nombreux de « choléra asiatique » (on peut aussi lire « cholera morbus », se sont manifestés le 9 juin, soit le samedi précédent. Compte tenu que la maladie arrive avec les voyageurs en provenance d'Europe, il n'est pas surprenant de voir que l'épidémie éclate au début juin, quelques semaines après le début de la saison de navigation sur le fleuve. Bien que l'épidémie frappe surtout Québec, elle atteindra aussi Montréal dans les jours qui suivent. 

Public notice from Cholera epidemic 1832
Source: « [...] a poster circulated in Oxford in the early summer of 1832 », consultation en ligne, 27 novembre 2010.

Comment lutte-t-on contre la maladie? Des dispensaires, sortes de « succursales » des hôpitaux , sont ouverts près de différents foyers de contamination. Bien que les symptômes sont observés et donc connu, il y a quand même une sorte de fatalisme face à la meilleure façon d'attaquer cette maladie. En effet, la théorie la plus populaire qui explique la propagation du choléra est la théorie des miasmes, du « mauvais air ». Ces miasmes seraient en quelque sorte des nuages « intelligents » qui se déplacent et infectent les habitants. Les différents traitements contre les miasmes (qui inclut des flammes ouvertes alimentées par des produits divers pour les brûler ou des mouvements d'air dans les dispensaires) ne sont pas les plus efficaces à la lumière des connaissances modernes de cette maladie. Cela s'ajoute à la propreté es vitres, à la ceinture de tissus pour garder le ventre au chaud qui sont aussi des moyens de prévention largement prescrits. Au cours de l'été 1832, ce sont plus de 2000 habitants et plus de 3000 personnes au total qui vont succombé à la maladie. C'est au bas mot environ 10% de la population de Québec qui meure dans cette épidémie.

Église Notre-Dame de Québec, 1832
Source: W. Walton, « Église Notre-Dame de Québec, 1832 » (1832), consultation en ligne, 27 novembre 2010.

Pendant qu'à Québec, on ouvre des cimetières pour le « colériques », le gouvernement colonial veut réagir. C'est que le gouvernement met sur pied une île de la quarantaine à Grosse-Île, à environ une cinquantaine de kilomètres de Québec sur le fleuve. Ce « lazaret » verra beaucoup de monde en 1832, une année où on estime à presque 50 000 le nombre d'immigrants transigeant par Québec. Mais son efficacité sera limitée. Préparée en hâte, cette station de quarantaine n'est pas entièrement efficace. 

Source: Daniel Rainville (Parcs Canada, 1997), « Vue de Grosse-Île sur le fleuve vers 1832 », consultation en ligne, 27 novembre 2010.

L'épidémie revient en 1834 (où encore près de 10% de la population de Québec va mourir) et à quelques autres reprises (1849, 1851, 1852 et 1854). Au choléra s'ajoutera aussi le typhus qui fera des ravages en 1847 et quelques autres épidémies de moindre importance. La dernière épidémie majeure de choléra sur le territoire du Québec actuel aura lieu en 1854. Beaucoup plus étendue sur le territoire, on dénombrera moins de 1000 décès à Québec. En nombre absolu, c'est moins de 2% de la population de la ville à cette époque. C'est un fléau qui a marqué la ville et aussi l'imaginaire des habitants de Québec durant tout le XIXe siècle britannique à Québec.

mardi 13 octobre 2009

La grippe espagnole de 1918

Par les temps qui courent, les médias semblent avoir à coeur la deuxième vague de la grippe A (H1N1) ou grippe porcine comme elle fût d'abord surnommée. Bien que des épidémies de grippes aient frappées et frappent encore notre planète, (pensons par exemple à l'épidémie de grippe H5N1 (aviaire, en 2005), la grippe de Hong Kong de 1968 ou même la grippe asiatique de 1957), il est important de se rappeler un peu l'histoire de la précédente épidémie qui ait frappé Québec, celle de la grippe espagnole de 1918.

La maladie est recensée en mai 1918, mais elle n'arrive "officiellement" à Québec, donc dans les médias, qu'autour du 27 septembre 1918 à Québec.(1) Ce n'est pas que les cas ne sont pas connus, mais en ville, les journaux n'en font guère mention. S'ensuit une véritable petite guerre de relations publiques alors que d'un côté le président du Conseil d'hygiène du Québec, le Docteur Arthur Simard déclare que la grippe espagnole n'existe pas, que nous faisons simplement face à une grippe saisonnière particulièrement virulente, tandis que le coroner de la ville de Québec, le Docteur Jolicoeur, affirme que la situation est menaçante et que le département d'hygiène de la ville n'a rien fait.(2) Ces houleux débats, tantôt alarmistes, tantôt minimisant les effets de cette grippe, seront rapidement éclipsés par la situation qui deviendra hors de contrôle.

À Québec, c'est le Bureau de santé qui forcera "[...] la fermeture des théâtres, des écoles, des tavernes et même des églises, en plus de restreindre les heures d’ouverture des magasins"(3) en octobre 1918. Malgré cela, la grippe frappe fort au milieu du mois d'octobre 1918, avec ses effets les plus dévastateurs ressentis entre le 10 et le 20 octobre. Elle fait pratiquement 500 morts dans la seule ville de Québec, dont une quarantaine de victimes par jour du 14 au 20(4). "Les corps publics, lents à s'émouvoir, s'étaient mis en branle, poussés aussi bien par les critiques que par l'évidence que la maladie dépassait en virulence les grippes ordinaires."(5)

La ville est pratiquement fermée pour une bonne partie du mois et les secours s'organisent. Le manège militaire est mis en quarantaine dès le 2 octobre et des écoles (notamment l'école Saint-Maurice de Limoilou) seront utilisés comme hôpitaux ou cliniques de fortune temporaires. La Société Saint-Vincent-de-Paul, les communautés religieuses de la ville (en particulier les Soeurs Servantes du Sacré-Coeur de Marie et les Soeurs Franciscaines Missionnaires de Marie)(6) en plus des étudiants en médecine de l'Université Laval et de la Ligue des ménagères qui fourniront du personnel médical bénévole (assistants, infirmiers et infirmières) pour passer à travers cette crise, seront tous appelés à contribuer.

Tout cela se déroule rapidement, alors que les premiers cas dans le monde étaient diagnostiqués au début de l'année 1918 et que la maladie est "disparue" vers le milieu de l'année 1919. À Québec, la mortalité diminue rapidement dès le début novembre 1918. C'est la dernière épidémie majeure que la ville de Québec ait connue.

Au final, ce que cette grippe montre n'est pas la virulence d'une maladie qui fera tout de même quelques millions de victimes sur notre belle planète, mais l'incapacité des autorités sanitaires et médicales de la ville de Québec à assurer un service de base en temps de crise à tous les citoyens. En effet, les quartiers les plus durement touchés sont les quartiers Saint-Sauveur et Saint-Malo. Au total, ce serait environ 80% des victimes qui résidaient en Basse-Ville(7), malgré les moyens de dernière minute fournis par la ville pour préparer des hôpitaux temporaires, incluant un montant de 25 000 dollars. Une préparation de dernière minute qui a causé bien des maux de tête aux patients et bien certainement au personnel médical qui a également payé un lourd prix de cette épidémie. De leur côté, "les métis indiens de la Réserve de Loretteville" n'auraient pas perdu aucun membre de leur communauté grâce aux plantes médicinales qu'ils utilisent. Dans ce cas-ci, la Berce ou Heracleum.(8)

Pour plusieurs personnes et dans plusieurs quartiers, cette épidémie venait s'ajouter à un climat déjà difficile d'économie de guerre et de "chasse aux conscrits", ces hommes qui refusaient de porter l'uniforme pour aller se battre avec les autres soldats canadiens pendant la Première Guerre mondiale. La décennie 1910 se terminait sur un épisode assez difficile...

Notes
1 - Antonio DROLET, "L'épidémie de grippe espagnole à Québec en 1918", dans Yolande BONENFANT, Trois siècles de médecine québécoise, Québec, La Société historique de Québec, 1970, Cahiers d'histoire no. 22, p. 99.

2- Antonio Drolet, loc. cit., p. 100.

3- Site Internet de la ville de Québec, consulté le 10 octobre 2009.

4- Réjean LEMOINE, "La grippe espagnole de 1918 à Québec", Cap-Aux-Diamants, Volume 1, Numéro 1, printemps 1985, p. 39.

5- Antonio Drolet, loc. cit., p. 104.

6- Antonio Drolet, loc. cit., p. 106.

7- Réjean LEMOINE, loc. cit.

8- Antonio Drolet, loc. cit., p. 106.