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mardi 11 mai 2010

Le siège de Québec par François-Gaston de Lévis, 28 avril à mi-mai 1760

La grande série de Histoire et Société pour le 250e anniversaire du siège de Québec tire à sa fin. Il y a 250 ans, les Français s'apprêtaient à lever le siège de la ville, à concéder Québec aux Britanniques. Comment s'est déroulé ce bref siège de la ville et pourquoi les Français ont-ils dû retraiter vers Montréal?

Fortifications of Montréal.
Source: D. Pomarede, Fortifications de Montréal, 1760 (1882). Centre d'archives de Montréal. Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Fonds Famille Bourassa, P266,S4,P121. Consultation en ligne, 11 mai 2010.

Le 28 avril 1760, François-Gaston de Lévis est victorieux sur les plaines d'Abraham, lors de la bataille de Sainte-Foy. Son plan initial, qui était de coupé la retraite à l'armée britannique, ne réussit pas et les troupes de James Murray peuvent retraiter dans la ville de Québec, ironie du sort, derrière les fortifications que les Français avaient eux-mêmes complétées et améliorées l'année précédente. Rapidement, Lévis organise le siège.

http://www.rtsq.qc.ca/quebec/dc052.gif
Source: Thomas Jefferys, A Plan of the City of Quebec the Capital of Canada (1759, publié en 1760. Ceci est une copie).  Consultation en ligne, 11 mai 2010.

La construction de tranchées sur les plaines n'est pas mince affaire. Il faut alors travaillé dans une région qui n'est pas encore tout à fait sortie de l'hiver, avec de la neige, de la gadoue, de la boue. De plus, les Britanniques vont constamment bombarder et faire plusieurs tentatives d'attaquer les soldats français qui construisent les tranchées. On peut dire que la construction des tranchées s'échelonne du 28 avril jusqu'au 8 mai alors que les premiers canons français sont installés et prêts à tirer, feu qui ne viendra que le 11 mai. 


Source: Fort Niagara Canon Demo, 3 novembre 2007, consultation en ligne, 11 mai 2010. Le vidéo est relativement court, mais donne surtout une idée de quelques'uns des ordres, dans un français très cassé, mais correct. Un tir de canon complet comprend encore plus d'ordres que ceci et surtout, en situation de tir soutenu, peut se faire encore plus rapidement.

Les progrès sont très lents, les lignes françaises devant négocier avec le tir soutenu de l'artillerie britannique sur les murs de Québec et aussi avec de petites troupes de volontaires qui tentent de les surprendre, principalement la nuit. De ces deux types d'attaques, les bombardements sont les plus dévastateurs. Le 7 mai, deux déserteurs français évaluent à au moins 500 blessés et tués dans leurs troupes depuis le début du siège (Lévis parle de 500 hommes dès le 30 avril, ce qui nous semble beaucoup). Pour ce qui est des attaques de volontaires, il faut dire que les quelques sorties, effectuées avant le 2 mai, se soldent par des défaites britanniques, tellement que même lorsqu'on offre des récompenses aux volontaires pour harceler les Français, le 1er mai (selon Knox), seulement deux ou trois sergents et quelques soldats se présentent. Pendant ce temps, Lévis envoie des branches de pruches pour soigner le scorbut des soldats de Murray, puis des perdrix pour que les officiers mangent. Murray remercie Lévis en lui envoyant un fromage de Cheshire. On échange des drapeaux de trève. On fait la guerre en dentelle comme des gentilshommes en Europe...

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/45/Cheshire_Cheese.jpg
Source: Cheshire Cheese, mise en ligne en 2006, consultation en ligne, 11 mai 2010. Murray, un officier écossais était habitué aux fromages de Cheshire, produit dans le nord de l'Angleterre et du Pays de Galles. C'est un fromage à pâte ferme qui était probablement le fromage le plus populaire à travers l'armée britannique du XVIIIe siècle.

À Québec, les choses ne sont pas roses; selon le lieutenant Knox, les autorités britanniques vont jusqu'à pendre un soldat (le 30 avril) pour tenter de calmer les troupes désorientées après la défaite. Le 2 mai, Knox avance même que si les Français avaient attaqué Québec entre le 29 avril et le 1er mai, la ville serait probablement tombée tellement les troupes étaient désordonnées. Les Britanniques auraient eu plus de 150 pièces d'artillerie faisant face aux plaines pour contrer les Français durant l'ensemble du siège (le 8 mai, Lévis note dans son journal qu'une soixantaine de pièces seulement semble leur tirer dessus). Bien que les Britanniques doivent subir avec un incendie près du palais de l'Intendant (3 mai), l'explosion d'un coffre de munitions (5 mai) et l'explosion de quelques canons (10 mai), le moral tient et sera même renforcé par l'arrivée d'un premier bateau, le Loestoff, le 9 mai. Surtout que les bombardements français ne seront pas vraiment efficace et feront peu de dégâts. Voici à ce sujet une anecdote rapportée par le lieutenant Knox:
As four Officers of the forty-third regiment were fitting on the ground in a soldier's tent, eating a dish of pease-porridge, a shell pitched within a yard of the door of the tent, and they had barely time to stretch themselves at their length, when the shell burst; but, by being extended flat on the ground, they happily received no other damage than losing their mess, which was overset in the bustle. (captain John Knox, An Historical Journal of the Campaigns in North-American, Londres, 1769, volume 2, p. 312-313).
Les Français encaissent durement le fait que le premier bateau devant Québec soit britannique. Autant c'est une bonne nouvelle pour l'occupant de la ville, autant les troupes de Lévis espèrent des secours de France. Lévis ne désespère pas. Il ordonne le début des bombardements sur Québec le 11 mai. Cependant, la poudre manque; dès le 12 mai, Lévis fait limiter la cadence de tir à 20 boulets par pièce par jour. L'artillerie en fer de petit calibre (la seule pièce de 24 livre ayant explosé), moins efficace dans cette situation que celle de bronze, ne permet pas d'espérer de reprendre la ville, ce qui fait dire à Lévis, le 12 mai: 
On avoit instamment demandé avec quelques vivres de la grosse artillerie et de la poudre, et l'on ne doutoit point de part ni d'autre que la place ne fût assurée à celui qui recevroit les premiers secours. (Casgrain, éd., Journal des campagnes du chevalier de Lévis en Canada, 1756-1760, Montréal, C.O. Beauchemin, 1889, pp.279-280)
On attend donc les secours. Mais après le premier bateau le 9 mai, ce sont deux autres vaisseaux qui arrivent près de Québec le 15 mai (Vanguard et Diana). Les bombardements, loin d'être efficace, ne peuvent plus permettre à Lévis de soutenir seul le siège. Les Britanniques ont eu leurs renforts. Les Français doivent retraiter. On commence à quitter Québec dès le 15 mai au soir et le 17 mai Murray tente une sortie pour poursuivre l'arrière-garde française. Elle n'est déjà plus en vue de Québec. Le siège est terminé.

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/en/a/ab/Le_machault.jpg
Source: Baron Daniel Lescalier, Le Machault,  (1791). Tiré du site Musée Virtuel du Canada, Consultation en ligne, 11 mai 2010. Le Machault, une frégate, avec les deux navires marchand le Bienfaisant et le Marquis-de-Malauze furent les cibles des Britanniques lors de la bataille de la Ristigouche.

Mais où sont les secours français? Ils n'arriveront jamais. Les renforts de France ont quitté l'Europe à la fin avril. Six bateaux seulement forment le convoi vers Québec. De ces six bateaux, trois ne traverseront pas l'océan (à cause du blocus britannique de l'Europe ou de tempête) et les trois autres arriveront trop tard dans le Golfe du Sainte-Laurent. Ces bateaux iront se réfugier dans la Baie des Chaleurs et seront finalement pris ou détruits lors de la bataille de la Ristigouche (3 au 8 juillet 1760).

mardi 27 avril 2010

La bataille de Sainte-Foy, 28 avril 1760

Le 28 avril 2010 marquera le 250e anniversaire de la bataille de Sainte-Foy. Cette bataille, la deuxième à se produire sur les Plaines d'Abraham en moins d'un an, est généralement mal connue et son déroulement exact demeure un mystère pour plusieurs amateurs d'histoire. En voici un bref résumé. 

http://www.septentrion.qc.ca/icono/2007-12-620.jpg
Source: J. Porreau (photographie), François-Gaston Duc de Lévis 1783 Maréchal de France 1787, Bibliothèque et Archives Canada, consultation via le site de Septentrion, 19 avril 2010.

Après l'hiver 1759-1760 marqué par une immense mobilisation de ressources pour les Français, par les rigueurs du climat pour les Britanniques, par une occupation militaire néfaste pour les Canadiens et une période de négociations d'allégeances pour les Amérindiens (Note: les liens dirigent vers les articles respectifs de la série En route vers la bataille de Sainte-Foy rédigés dans les derniers mois), les Français dirigés par François-Gaston de Lévis (ci-haut) sont prêts à frapper pour tenter de reprendre Québec.

 http://www.navy.forces.gc.ca/project_pride/all_images/photo_archive_images/Large/C-002834.jpg
Source: artiste inconnu, James Murray (1719?-1794), Bibliothèque et Archives Canada, consultation en ligne, 19 avril 2010.

L'armée se met en marche à partir de ses quartiers d'hiver, près de Montréal, autour du 20 avril et arrive près de Québec, au fort Jacques-Cartier (près de Cap-Santé), le 24 et 25. L'armée ira ensuite camper le 26 avril à Saint-Augustin.  À cette date, le printemps n'est pas encore tout à fait arrivé. Il reste encore quelques glaces sur le fleuve et la température n'est pas encore certaine. La neige n'est pas encore toute disparue (c'est bien différent de 2010!) et l'approche de Québec doit finalement se faire en grande partie à pied, plutôt que sur l'eau pour faire un débarquement près de Sillery, comme Lévis l'avait espérer. On imagine que James Murray (ci-haut), officier en charge de l'armée britannique, est déjà au courant de l'avance des Français puisqu'il donne l'ordre d'évacuer les civils de Québec dès le 21 avril (l'ordre sera effectif le 24).

Fichier:Battle of Sainte-Foy.jpg
Source: George B. Campion (vers 1850), La bataille de Sainte-Foy (aquarelle), consultation en ligne, 19 avril 2010.
 
Le 27 avril 1760, les Français auront un avant-goût du lendemain. En effet, après avoir traversé les marécages de la Suète, ils auront à affronter un avant-poste britannique près de l'église de Sainte-Foy. Cet affrontement n'est pas une bataille à grande échelle, mais se termine par la retraite des Britanniques vers Québec, non sans que ceux-ci aient mis feu à l'église et à quelques bâtiments attenants. L'affrontement est imminent.

Figure 8—AMERICAN 6-POUNDER FIELDPIECE (c. 1775)
Source: "American Six-Pounder Field Piece (c. 1775)", Albert MANUCY, Artillery Through the Ages, Washington, United States Government Printing Office, 1956 (1949), consultation en ligne, 27 avril 2010. Note: Bien entendu, on ne parle pas ici de la même période, mais l'artillerie britannique (et donc américaine) n'avait pas encore connu de changements énormes entre la guerre de la Conquête et la guerre d'Indépendance des États-Unis.



Le 28 avril, très tôt le matin, les Français se mettent en marche. À ce moment, Murray est sorti sur les Plaines. De son propre aveu, il s'attend à ce que les Français viennent combattre avec pratiquement 10 000 hommes (en réalité, ils sont environ 7000 dont plus de 3000 miliciens et quelques centaines d'Amérindiens) et veut les accueillir. Il s'installe sur les Buttes-à-Nepveu, l'endroit même sur lequel Montcalm s'était installé 7 mois plus tôt avec moins de 4000 hommes. Il dispose d'une vingtaine de pièces d'artillerie également installées entre ses régiments. Sa ligne est potentiellement très efficace et sera difficile à déloger. C'était sans compter sur l'effet que pouvait avoir le "bois de Sillery". En effet, Murray voit une partie de l'armée française sortir du bois (approximativement à la hauteur de l'actuelle rue Holland), constate que cette avant-garde est relativement désorganisée et pense pouvoir porter un dur coup à l'armée française en attaquant immédiatement. Murray quitte donc sa position avantageuse (erreur semblable à celle de Montcalm en 1759) empêchant ainsi son artillerie de supporter efficacement son assaut, sans compter que quelques trous de neige fondante et d'eau rendent la progression de l'armée laborieuse sur les Plaines. Pendant ce temps, le chevalier de Lévis réussit à ramener ses hommes à l'orée du bois pour reformer efficacement ses lignes et se lancer aussi à l'attaque.

Source: Joseph Légaré (vers 1855), La Bataille de Sainte-Foy (huile sur toile), Musée des Beaux-Arts du Canada, consultation en ligne, 19 avril 2010.
Les combats se déroulent presque sur toute la largeur du promontoire de Québec. Au nord, les combats tournent largement autour du moulin (à droite sur la peinture ci-haut) de Jean-Baptiste Dumont, un négociant de Québec qui s'est procuré ce lopin de terre des Jésuites en 1741. Le moulin, avec des murs de pierre d'une auteur de près de dix mètres est âprement disputé entre des grenadiers français et des Highlanders écossais (78th Foot) et de violents combats au corps à corps y feront rage. On s'échange l'avantage du combat pendant de très longues minutes (plus de deux heures) jusqu'à ce que deux ordres indépendants dans le camp français viennent changer la donne. Autant au nord qu'au sud, on ordonne d'encercler l'armée britannique. Le but est de tenter d'attaquer les flancs de la ligne pour ultimement couper la retraite vers Québec et pouvoir anéantir l'armée sur le champ de bataille. La manoeuvre est un succès partiel: elle brise complètement l'ordre de bataille, mais ne coupe pas la retraite. Les Britanniques sont donc forcés de retraiter dans Québec et la victoire est française.

http://warandgame.files.wordpress.com/2008/01/v2_c1_s02_ss02_02.jpg
Source: À gauche, grenadier du régiment de Guyenne avec un caportal du régiment de Béarn (droite), vers 1756. Par Eugène Lelièpvre, consultation en ligne, 27 avril 2010.


La bataille se termine en fin d'avant-midi, peut-être aussi tard qu'en début d'après-midi. Un peu plus à l'ouest que la bataille des Plaines d'Abraham (13 septembre 1759), le résultat est tout différent. Victoire décisive de l'armée française. Les principaux officiers survivront (malgré les blessures dans le cas de François-Charles de Bourlamaque), mais l'objectif n'est pas encore atteint: Murray a pu retraiter en ville, bien installé derrière les fortifications (françaises) de Québec et les deux armées doivent attendre les renforts promis ou espérés de l'Europe qui pourront se frayer un chemin avec la fonte des glaces pour savoir qui pourra espérer crier "victoire"...

À suivre, un dernier article sur le siège de Québec en 1759 et 1760 avec le siège de François-Gaston de Lévis, du 28 avril au 17 mai 1760. Cet article sera publié à la mi-mai 2010 pour terminer le cycle du 250e anniversaire du siège de Québec pendant la guerre de la Conquête.

samedi 24 avril 2010

La bataille de Sainte-Foy dans... Le Soleil

Ce n'est pas encore la mise à jour....Dans l'édition du 24 avril 2010 du quotidien Le Soleil, le journaliste Pierre Asselin propose deux articles:
et

Ce que la version électronique ne dit pas, mais qui est mentionné dans la version papier est qu'une des sources proposées par M. Asselin est la série En route vers la bataille de Sainte-Foy de ce blogue pous souligner le 250e anniversaire de la bataille de Sainte-Foy.

Voici donc les liens directs vers les quatre messages d'intérêt:


Bonne lecture!

Le 27 avril 2010 sera mis en ligne un article sur la bataille du 28 avril 1760. Bonne lecture.

lundi 22 mars 2010

En route vers la bataille de Sainte-Foy (4): l'hiver des Amérindiens...

Voici le dernier message de la série En route vers la bataille de Sainte-Foy. Cette semaine, c'est l'hiver de différentes nations amérindiennes que nous voulions aborder. En tant qu'alliés des Français et/ou des Britanniques ou encore en tant que nations neutres, des dizaines de nations amérindiennes ont joué un rôle plus ou moins important dans le déroulement de la guerre de la Conquête. Nous cherchons donc à mettre en lumière l'hiver 1759-1760 pour certaines de ces nations., principalement celles alliées aux Français. Ceci ne constitue pas nécessairement une histoire valide pour l'ensemble des nations alliées. Nous utilisons également un ensemble de source écrite par des Européens et des descendants d'Européens en majorité. Cela peut donc teinter nos interprétations. Bref, ce petit article est à lire avec les contraintes de son écriture en tête.

Map of Fort 
Ticonderoga 1759
Source: Plan at the Fort of Tienroga at the Head of Lake Champlain, 1759 (extrait), consultation en ligne, 22 mars 2010.

Pour plusieurs Amérindiens vivant encore dans la région de la vallée du Saint-Laurent en 1759, Québec n'est que la troisième des défaites symboliques de la France. Il y avait eu, auparavant, les prises des forts Carillon et Niagara (juillet 1759) qui ont miné le moral de plusieurs nations alliées avant la prise de Québec, ces forts étant les portes d'entrées continentales de la vallée du Saint-Laurent. Si on ajoute à cela les pressions effectuées par Sir William Johnson, (ci-bas) un militaire qui tentait de rallier les Amérindiens à la cause britannique ou au moins à chercher leur neutralité, pour rallier les nations de la région des Grands Lacs, disons que la grande alliance des Français avec quelques dizaines de nations amérindiennes sur tout le continent nord-américain a du plomb dans l'aile.

 File:Sir William Johnson.png
Source: Sir William Johnson (tiré d'un portrait de la State Library, propriété de Sir John Johnson), dans Francis W. Halsey, The Old New York Frontier (copie sur wikipedia.org), consultation en ligne, 22 mars 2010.

Pour les Français, les alliés "naturels" de la région de Québec étaient certainement les Hurons de Lorette, mais on comptait aussi les nations "iroquoises" de la vallée du Saint-Laurent (comme ceux de Sault-Saint-Louis et de Saint-Régis), les Abénaquis de Odanak (Saint-François) et quelques dizaines d'autres nations des grands lacs, du nord de l'Ontario et des Prairies américaines. Présents aux côté des Français lors de la bataille des Plaines (près de 1800 Amérindiens sont présents pendant le siège de Québec), plusieurs vont regagner leurs villages respectifs à la fin du mois de septembre. Les Hurons, à Lorette près de Québec, vont envoyer plusieurs de leurs habitants près de Montréal y passer l'hiver.

Source: Wampum (appartenant au Musée de la civilisation de Québec), consultation en ligne, 22 mars 2010. Notez bien: le wampum était un collier de "perles" (fait en Amérique de coquillages) largement échangé entre les nations amérindiennes et leurs alliés, peu importe leur origine, pour sceller des contrats, forger des alliances et même pour raconter des histoires ou comme monnaie d'échange. Celui-ci n'est pas nécessairement spécifique aux alliances de la vallée du Saint-Laurent de l'époque de la guerre de la Conquête, mais représente bien un aspect très important de la culture de plusieurs nations amérindiennes impliquées dans les guerres coloniales.

Le plus dur coup porté aux Amérindiens dans le Saint-Laurent est certainement l'attaque des Rogers' rangers sur le village de Saint-François (Odanak) au début du mois d'octobre 1759. Cette attaque, les préparatifs et la fuite des rangers ont fait l'objet de nombreux livres, d'un film et d'une série télévisuelle et se mériteront, dans les prochaines semaines ou les prochains mois, un message à eux seuls (voir l'affiche du film ci-bas). Frappée en plein coeur de la vallée du Saint-Laurent, relativement loin des frontières, le massacre de Saint-François a clairement marqué l'imaginaire des Abénaquis de l'époque (et probablement d'aujourd'hui) qui a refroidi leurs ardeurs à combattre dans la guerre de la Conquête.


http://www.moviegoods.com/Assets/product_images/1020/456945.1020.A.jpg
Source: Northwest Passage (affiche du film de 1940), consultation en ligne, 22 mars 2010.

Près de Québec, quelques Amérindiens restent bien près de Lorette harceler tout l'hiver les Britanniques qui tentent d'aller couper du bois de chauffage. Bien que dans le discours, les alliances franco-indiennes sont intactes, les résultats ne sont pas aussi impressionnants qu'en 1759. On peut donc affirmer que par les victoires britanniques décisives de l'été 1759 et les prouesses diplomatiques de Sir William Johnson, les Britanniques ont réussi à marquer suffisamment l'esprit de plusieurs nations amérindiennes ou du moins de leur chef pour mettre des bâtons dans les roues de la grand alliance qui unissait les Amérindiens à leur père français, Ononthio (le nom donné parfois au gouverneur, mais surtout au roi de France).

http://www.oneidanation.org/uploadedImages/Departments/Cultural_Heritage/Contact_Rev_War_1783/3a05278u%20french%20and%20indian%20war.jpg
Source: Defeat of General Braddock, in the French and Indian War, in Virginia, in 1755, consultation en ligne, 22 mars 2010.

Ce sont environ 270 Amérindiens qui prendront part à l'expédition du chevalier François-Gaston de Lévis pour reprendre la ville de Québec, expédition en partance de Montréal. Ils formeront une avant-garde efficace, mais leur rôle dans la bataille comme telle sera bien secondaire... En fait, les Amérindiens pro-français auront leur propre conflit avec les Britanniques, conflit aussi marquant et qui suit cette guerre, le soulèvement du chef de guerre outaouais, Pontiac.


http://daphne.palomar.edu/scrout/AIS120/Pontiac2.jpg
Source: The Ottawa leader, Pontiac, consultation en ligne, 22 mars 2010.

Le prochain article de la série sera celui sur la bataille de Sainte-Foy qui sera mis en ligne le 27 avril 2009, veille du 250e anniversaire de la bataille de Sainte-Foy (28 avril 1760).

mardi 9 mars 2010

En route vers la bataille de Sainte-Foy (3): l'hiver des Canadiens

D'abord les Britanniques. Puis les Français. Nous en sommes maintenant à l'avant-dernier volet de nos carnets "En route vers la bataille de Sainte-Foy" avec une description de l'hiver pour les Canadiens, donc la milice et la population. Bien que les miliciens soient des habitants, nous avons choisi de séparer les deux groupes. "La milice" fait référence aux actions militaires et "La population" à ce que les habitants ont dû vivre.

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Source: Image trouvée sur le carnet Historine, sans référence, consultation en ligne, le 8 mars 2010.

La milice
Au lendemain de la bataille des Plaines d'Abraham, la milice fait face à une difficile réalité. Responsable de la retraite efficace de l'armée française sur le champs de bataille en bloquant la charge des Highlanders écossais (78th Foot) notamment, la milice doit absolument suivre la fuite de l'armée vers Jacques-Cartier (Cap-Santé). Mais une partie des miliciens vient de Québec et la bataille étant perdue, les miliciens de ce district (comme plusieurs des districts de Trois-Rivières ou Montréal) vont déserter pour retourner chez eux, aider à la fin des récoltes et à la préparation de l'hiver qui sera sans doute difficile. Sans compter ceux qui, entre le 13 et le 18 septembre (prise de Québec), refuse systématiquement de défendre la ville et d'exécuter les ordres. De la mutinerie due au départ de l'armée et donc à une situation désespérée...


Source: French 1763 musket muzzle loader, consultation en ligne, 9 mars 2010.

Jusqu'à la mi-octobre, on essaie de limiter la désertion des miliciens, ce qui s'avère une tâche difficile compte tenu que des compagnies complètes refusent parfois de prendre les armes. On réussit quand même à renvoyer près de Montréal, le 19 octobre, les milices de Montréal et Trois-Rivières parce que la menace d'une attaque britannique depuis les Grands Lacs semblent possible. Cela aide certainement la motivation des miliciens qui auraient à défendre leurs propres habitations contre l'envahisseur.

A Canadian volunteer militiaman in winter
Source: A canadian volunteer militiaman in winter, consultation en ligne, 9 mars 2010.

Autrement, l'hiver en sera un d'entraînement. Bien que des plans préliminaires soient mis en marche dès novembre pour reprendre Québec, François-Gaston de Lévis, alors major-général des troupes françaises,  se rend rapidement compte qu'une bataille ne sera possible qu'au printemps.  En 1760, la présence de la milice devra être exploitée au maximum. C'est ainsi que Lévis décide, au mois de février et mars 1760,  d'incorporer plusieurs miliciens à même les troupes professionnelle pour combler certaines absences. D'un autre côté, il n'essaie pas de mélanger les compagnies de milice et les compagnies de soldat professionnels. Il s'assure que les compagnies de milice s'organisent en trois formations, chaque formation étant sous les ordres, en quelque sorte la supervision, d'un bataillon régulier et ils se sont livrés à des exercices d'escarmouches tout l'hiver. Contrairement à leur usage un peu improvisé de 1759, le major-général de Lévis compte bien les utiliser au mieux de leurs capacités. Il faut finalement dire que Vaudreuil qui lance les appels à la mobilisation de la milice pour 1760 a l'oreille de la population qui répond. Les conditions sont idéales pour la bataille... Suffit, pour remporter une victoire décisive et reprendre Québec, que l'armée française espérée arriver en renfort fasse son apparition rapidement sur le fleuve au mois d'avril ou de mai (on sait aujourd'hui qu'elle n'est jamais arrivée...)

Scene of daily life at Fort Beauséjour, around 1753
Source: Lewis PARKER, Scene of daily life at Fort Beauséjour, around 1753, consultation en ligne, 9 mars 2010.

La population
Si la situation semble critique pour la milice, c'est encore pire pour les habitants. D'un côté, pour tous les habitants de l'extérieur de la région immédiate de la ville de Québec, la situation ressemblera aux hivers précédents... si ce n'est que plusieurs d'entre eux ont vu leurs habitations et leurs récoltes rasées par les Britanniques en 1759 (pratiquement toute la Côte-de-Beaupré et Charlevoix jusqu'à La Malbaie, presque toute la Côte-du-Sud de Kamouraska à Beaumont de même que plusieurs villages dans Lotbinière et dans Portneuf). Puis, à titre préventif, les Français vont ordonner, le 16 octobre, de brûler tout le bois de chauffage déjà coupé de sur la rive-sud autour de  la Pointe-Lévy.

Mais avant cela, il nous semble que Jérôme Foligné, second à bord du Swinton (un bâtiment français) aborde de façon fort efficace la situation de la population de la région immédiate de Québec après le siège de 1759 avec ce message daté du 21 septembre 1759 (nous avons pris la liberté de corrigé un peu le texte pour faciliter sa lisibilité, grand honte à nous):
"Les bourgeois et habitants de la dépendance de Québec de trois lieues à la ronde prêtèrent serment de fidélité, cérémonie qui dura depuis le matin jusque vers les trois heurs de l'après-midi, que le général anglais fit battre un banc, par lequel il fut permis d'aller et de venir librement pour vaquer à leurs affaires et de rentrer paisibles possesseurs de leurs biens, mais quelles biens veut-il que nos habitants aillent occuper après les ravages qu'il a fait commettre, brûler les maisons, emmener les bestiaux et piller les meubles, c'est à ce jour qu'on vit sortir du fond des bois nos pauvres femmes, trainant après elles leurs petits enfants, mangés des mouches sans hardes, criants la faim, quel coup de poignards pour les pauvres mères, qui ne savent si elles ont des maris et ou ils les prendront et quelle assistance, elle donneront à leurs pauvres enfants à l'entré d'une saison pendant laquelle on a de la peine de se garantir, lorsqu'elles etoaent arrangées dans leurs ménages les sièges de Jérusalem et de Samarie représentent rien de plus affreux." (p.93-94)
Début d'hiver difficile? Surement. Les habitants doivent donc prêter serment d'allégeance. Mais plusieurs exemples, tout l'hiver durant, nous prouvent que le serment était difficile à garder. D'un côté, on essaie d'aider les Français ou de nuire aux Britanniques, mais les conséquences sont graves et sans équivoque. Pour l'occupant, c'est la pendaison qu'on réserve aux habitants traitres qui se rendent coupables de trahison. Pour les Français, on exige encore l'aide de la population pour nourrir l'armée et abriter certains soldats, non seulement de l'armée régulière qui prend ses quartiers d'hiver près de Montréal, mais aussi pour les quelques centaines de soldats français demeurés près de Québec ou sur la rive-sud. Le tout dans un territoire occupé qui n'offre pas beaucoup de liberté et qui alimente les tensions pas ses perquisitions préventives, les abus des soldats (coups et vols) et les contrôles constants pour les déplacement dans la ville de Québec ou aux alentours.

Young Country Girl Dancing by François Boucher
Source: François BOUCHER (1701-1770), Jeune paysanne dansant, consultation en ligne, 8 mars 2010.

Certaines zone subissent en plus les expéditions punitives britanniques au mois de février entre les rivières Chaudière et Etchemin (rive-sud de Québec) où quelques dizaines de bâtiments ont été brûlés pour répliquer aux attaques de l'armée française sur le détachement britannique de la Pointe-Lévy ou celle en périphérie de Pointe-aux-Trembles (Neuville), En plus, les habitants de Québec, les plus pauvres de toute la région, doivent vivre avec une armée d'occupation décimée par les maladies et sans ressources qui n'hésitent pas à piller les maisons abandonnées ou non de la ville pour survivre. Les habitants collaborent donc volontiers avec les Français, malgré les menaces constantes de l'autorité britannique et les quelques exemples brutaux que tentera de faire l'armée avec des Canadiens soupçonnés de collaboration (par pendaison notamment).

http://www.evolutionmultimedia.com/palin/images/image-exprop6.jpg
Source: Richard SHORT, Vue générale de Québec, prise de la Pointe-Lévy (1761), consultation en ligne, 9 mars 2010.

Ceux qui vivront le plus longtemps le "dérangement" de la bataille de Sainte-Foy seront certainement les habitants de la ville de Québec. On leur demande, sans condition, de quitter la ville de Québec le 24 avril 1760 (la demande est faite le 21), les Britanniques étant conscients que les Français essayeront de reprendre la ville et ils ne veulent pas subir la collaboration d'une population  en qui ils n'ont pas confiance avec l'assiégeant. Et ils ne pourront revenir chez eux qu'à la fin de l'été 1760...

Fichier:Louis XV France by Louis-Michel van Loo 002.jpg
Source: Louis-Michel VAN LOO, Louis XV, Roi de France et de Navarre (1760), consultation en ligne, 9 mars 2010.

L'hiver se passera donc dans l'attente près de Québec: d'un côté on supporte les troupes, de l'autre on espère un secours français au début de 1760, le tout en essayant de froisser le moins possible une armée d'occupation qui a la mèche courte. Si le secours ne vient pas, on peut supposer qu'une grande partie de la population commence à ressentir les effets d'une guerre presque continuelle depuis 15 ans (avec la guerre de Succession d'Autriche des années 1740). Il serait temps qu'une paix française nous permette de continuer de vivre sur un territoire français, avec notre Roi (Louis XV, ci-haut), nos coutumes, notre langue et surtout notre religion...

Reste à voir comment se déroulera la bataille de Sainte-Foy...


Les sources
Au sujet des exactions britanniques, voir: 
DESCHÊNES, Gaston. L'année des Anglais. Québec, Septentrion, 2009 (2e édition). 160 pages

Pour la milice, voir l'excellent livre:
DECHÊNE, Louise. Le Peuple, l'État et la guerre au Canada sous le régime français. Montréal, Boréal, 2008. 666 pages.

Sources primaires
FOLIGNÉ, Jérôme. Journal des faits arrivés à l'arme de Québec, capitale dans l'Amérique septentrional dans la campagne de 1759. Québec, Presses de la communauté des soeurs franciscaines, édition de 1901. 100 pages. Séries Champs de bataille #5.

LÉVIS, François-Gaston, duc de (H.R. CASGRAIN, éditeur). Journal des campagnes du chevalier de Lévis en Canada de 1756 à 1760. Montréal, C.O. Beauchemin & Fils, 1889. Collection "Les manuscrits du maréchal de Lévis", volume 1. 348 pages.

MALARTIC, Anne-Joseph-Hippolyte de Maurès, comte de. Journal des campagnes au Canada de 1755 à 1760.  Paris, Librairie Plon, 1890. 370 pages.

dimanche 7 mars 2010

En route vers la bataille de Sainte-Foy (2): l'hiver de l'armée française

L'année 2010 marquant le 250e anniversaire de la bataille de Sainte-Foy, nous avons voulu préparer une série d'articles sur les semaine et les mois qui ont mené à cet affrontement près de Québec, sur les Plaines d'Abraham. Comme nous avons, la semaine dernière, offert un premier article sur la situation des Britanniques à l'hiver 1759 et au printemps 1760, nous continuons cette semaine avec les Français., surtout l'armée française. Un article sur les Amérindiens et un autre sur les Canadiens et la milice suivront d'ici le 27 avril 2010, date à laquelle nous offrirons un article sur la bataille de Sainte-Foy du 28 avril 1760.

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Source: Louis-Joseph, marquis de Montcalm, image consultée en ligne, 2 mars 2010.

Tout commence avec la mort de Louis-Joseph, marquis de Montcalm et lieutenant-général des armées françaises (ci-haut), le 14 septembre au matin. Québec perd alors son principal officier militaire et le marquis de Vaudreuil (ci-bas), gouverneur de la Nouvelle-France quitte la région pour se rendre vers l'ouest et propose à Jean-Baptiste-Nicholas-Roch de Ramezay, alors en charge de la ville, de capituler si les provisions venaient à manquer plutôt que d'attendre que la ville soit attaquée. Ramezay convoque donc un conseil de guerre ou une large majorité des officiers et notables présents (13 sur 14) suggère la capitulation (à l'exception d'un dénommé Fiedmont, officier d'artillerie qui a tiré du canon sur les Britanniques jusqu'à l'annonce de la reddition). Ramezay capitule donc le 18 septembre au matin, la ville étant diminuée et sans réelle garde pour assurer sa défense.

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Source: Pierre de Rigaud de Vaudreuil de Cavagnial, marquis de Vaudreuil, v.1753-55, Donat Nonotte, Bibliothèques et Archives Canada, consulté en ligne, 2 mars 2010.

Pendant ce temps, l'armée se replie sur Jacques-Cartier avant que François-Gaston de Lévis ne vienne prendre le commandement des troupes pour tenter une nouvelle attaque. C'est en route, le 19 septembre,  que Lévis sera averti de la capitulation par un certain capitaine Daubrespy du régiment de Béarn. La situation semble sombre, mieux vaut alors, pour l'état-major, de retraiter et de préparer une vraie contre-attaque, pendant que le 22 septembre, Ramezay (avec Fiedmont) et le reste de la garnison de Québec est embarqué vers l'Europe, selon les actes de reddition.

Soldat portant le drapeau régimentaire, Régiment de Béarn, vers 1757-1760
Source: artiste inconnu, Soldat portant le drapeau régimentaire, Régiment de Béarn, vers 1757-1760, consultation en ligne, 7 mars 2010.

Vaudreuil et l'intendant François Bigot quitte l'armée le 30 septembre pour se rendre à Montréal alors que Lévis tente de trouver la meilleure façon de passer l'hiver.  Il vérifie la possibilité de construire un fort sur la rive-sud, demande aux habitants de collaborer à apporter aux troupes bois et provisions et tentera de convaincre les Hurons de Lorette d'aider l'armée et la milice à harceler les Britanniques qui vont chercher du bois de chauffage près de leur village. Bien que la collaboration des gens, surtout éloignés de Québec, est assurée parce que l'armée française est encore très présente, les forts et tentatives de harcèlement seront laissées de côté par manque d'effectifs.

Des chefs hurons de Jeune-Lorette portent des costumes ressemblant à ceux des Français vers 1745
Source: Edward CHATFIELD, Des chefs hurons de Jeune-Lorette portent des costumes ressemblant à ceux des Français vers 1745, consultation en ligne, le 7 mars 2010.

Au début novembre, l'armée française s'organise en laissant des hommes près de Saint-Augustin (une avant-garde près du Lac), Pointe-aux-Trembles (200 à 300 hommes) et surtout au fort construit à Jacques-Cartier (jusqu'à 400 hommes) et Lévis retourne vers Montréal où il arrive le 14 novembre 1759. De la fin octobre jusqu'au début de l'hiver, les soldats seront envoyés à leurs quartiers d'hiver; ceux qui ne restent pas près de Québec tel que mentionné plus tôt se rendront près de Montréal. Plus tard dans le mois, vers le 25 novembre 1759, les Français vont réussir à faire passer des bateaux devant Québec et vers l'Europe pour demander les renforts. C'est Louis-Antoine de Bougainville (ci-bas) qui doit accomplir cette délicate mission.

Portrait of Louis Antoine de Bougainville
Source: François SÉRAPHIN, Portrait de Louis-Antoine de Bougainville, tiré de la collection de la National Library of Australia, consultation en ligne, 7 mars 2010.

La fin de l'hiver donnera lieu à différentes préparations pour reprendre Québec avant la fin de l'année, mais la température, les ressources et la fatigue des troupes régulières et de milice vont anéantir ces espoirs. Pourtant, les Français ne souffriront pas autant de l'hiver que les Britanniques: ils connaissent le territoire, la température, et ils ont la collaboration des paysans à tous les endroits où les Britanniques ne s'installent pas (ce qui veut dire partout à l'exception du territoire immédiat de la ville de Québec) qui vont faciliter le commerce et les approvisionnements. Ce n'est pas pour autant un hiver faste: plusieurs des terres près de Québec ont été brûlées etaucun réel renfort ne peut être envoyer de l'ouest. 

De janvier à avril, l'état-major français espérera une possibilité d'attaquer Québec. Pour ce faire, le déplacement le plus concret sera l'envoi sur la rive-sud, en février 1760, du capitaine Saint-Martin et d'un détachement de presque 400 soldats pour reprendre contrôle de la Pointe-Lévy, mais les Britanniques les en empêcheront. Bien que janvier ait été calme, mars a été vécu dans l'appréhension alors que des rumeurs tenaces disent que les Britanniques, qui ont attaqué l'avant poste du Lac Calvaire (Saint-Augustin), viendraient attaquer Pointe-aux-Trembles (Neuville) ou même Jacques-Cartier (Cap-Santé). Sinon, les préparatifs se poursuivront jusqu'à la fonte des glaces et au départ de l'armée de Montréal, à la suite de Lévis, vers les 20-21 avril 1760. L'armée française cheminera ensuite par terre à partir de Jacques-Cartier ou Pointe-aux-Trembles. Elle campera à Pointe-aux-Trembles le 25 avril 1760, à Saint-Augustin le 26 et à Sainte-Foy le 27 avril....

La bataille de Sainte-Foy est pour le lendemain...

Sources
CASGRAIN, abbé H. R. éd. Journal des campagnes du chevalier de Lévis en Canada de 1756-1760. Montréal, C.O. Beauchemin et Fils, 1889. 340 pages. Coll : Manuscrits du Maréchal de Lévis.

LA PAUSE, Plantavit de Margon, chevalier de. Rapport de l’Archiviste de la province de Québec. 1931/32 « Mémoire et observations sur mon voyage en Canada (1755-60) », tome 12, p.1-46; 1932/33 « Les “Mémoires” du Chevalier de La Pause », tome 13, p.305-391; 1933/34 « Les “Papiers” La Pause », tome 14, p.67-231.

MAURÈS DE MALARTIC (édité par comte Gabriel Maurès de Malartic). Journal des campagnes au Canada de 1755 à 1760.  Paris, Plon, 1890. 370 pages.

Voir également
MACLEOD, D. Peter. La vérité sur la bataille des Plaines d'Abraham. Montréal, Éditions de l'homme, 2008. pages 283-361.

mercredi 3 mars 2010

Bon un autre petit retard...

Les circonstances m'empêchent de vous fournir une mise à jour acceptable ce soir, elle ira donc à dimanche prochain. Cela voudra cependant dire une mise à jour dimanche le 7 ET mardi le 9 mars 2010! La faute revient aux nombreuses chroniques laissées par nos officiers français ou leurs biographes et une tonne d'information que je veux vérifier. Donc ce sont les Lévis, La Pause et Malartic  (pour ne pas les nommer) qu'il faut blâmer.

Autrement, petite anecdote intéressante sur le même sujet, donc la guerre de la Conquête et les préparatifs à la bataille de Sainte-Foy: 

Il faut se replacer à l'époque des auteurs quand nous lisons des textes de cette époque. Ainsi, les correspondances font preuve de délicatesses, de formules de politesses à n'en plus finir. Mais elles révèlent parfois des pratiques intéressantes de la façon de faire la guerre à cette époque que certains commentateurs appellent la guerre en dentelle.

Ainsi, le capitaine John Knox (édition de 1769, volume 2, pp.252-254) rapporte une réponse à une rumeur qui court dans l'entourage du Gouverneur militaire Murray en février 1760:
« M. de Levis, in order to display a little French humour, and to raise the drooping spirits of his army, has proposed to lay a wager of five hundred louis-d'ors, with General Murray, that a French fleet will arrive here, before a British one. To this he received the following spirited answer: — 'I have not the least inclination to win your money; for, I am very certain, I shall have the honour to embark your Excellency, and the remains of your half-starved army, for Europe, in British bottoms, before the expiration of the ensuing summer.' »
Le message disait donc que Lévis était prêt à parier 500 louis d'or avec Murray que la première flotte à mouiller près de Québec serait française. Ce à quoi Murray répondit qu'il n'espère pas gagner l'argent de Lévis puisqu'il est convaincu que les Français seront embarqués sur des bateaux britanniques d'ici la fin de l'été. Ce genre de gageure était, sans être la norme, assez fréquent. On peut d'ailleurs retrouver un exemple à peu près semblable entre le général Abercromby et Louis-Antoine de Bougainville au fort William-Henry qui gagent une caisse de champagne contre une caisse de bière si les Britanniques parviennent à prendre Louisbourg à l'été 1758...

Il ne pouvait presque pas mieux prédire la fin de l'été 1760 pour l'armée française...

À dimanche!!

mardi 23 février 2010

En route vers la bataille de Sainte-Foy (1) - l'hiver des Britanniques

L'année 2010 marque le 250e anniversaire de la bataille de Sainte-Foy. Cette bataille est la troisième qui se déroule près de Québec, la deuxième sur les Plaines d'Abraham, à l'extérieur des murs de la Vieille capitale. C'est, en quelque sorte, la revanche de l'armée française, des miliciens et de leurs alliés par rapport à la défait du 13 septembre 1759. Comme ces événements sont encore profondément marquants pour les habitants de la région, du Québec, mais aussi d'une grande partie de l'Amérique du Nord et du reste du monde, nous avons choisi de consacrer une série d'articles sur les mois de la fin de l'année 1759 et du début de l'année 1760 qui ont mené à la bataille. Ces courts articles seront publiés d'ici le mardi 27 avril 2010, date à laquelle nous allons publier un article sur la bataille de Sainte-Foy.

Source: Page de présentation de l'édition de 1769, consulté en ligne, 23 février 2010.

Pour ce premier article, nous avons choisi de présenter les préparatifs chez les Britanniques. Pour ce faire, nous avons consulter principalement les récits du siège du capitaine John Knox (image ci-haut) qui faisait partie de l'expédition britannique et qui est demeuré à Québec pendant l'hiver 1759-1760. Dans les prochaines semaines, nous poursuivrons avec des articles sur l'hiver des Français, des Canadiens et des Amérindiens. Il faut donc comprendre que cet article est centré autour des Britanniques, de leurs problèmes et de leurs avantages (N'ayez crainte, les autres auront aussi leur tour!). Compte tenu des circonstances tragiques de l'été 1759 et de la capitulation de Montréal, le 8 septembre 1760, l'hiver est une période relativement méconnue. Comme je rapporte les propos essentiellement d'une seule source (la référence complète sera en fin d'article), je vais parfois ajouter les numéros de page.

Source: The Hon. Robert Monckton, Major-General, dans Gilbert Parker, Old Quebec, New York, MacMillan, 1903, consulté en ligne, 23 février 2010.

Le 18 septembre 1759 marque l'arrivée à Québec de l'armée britannique. Alors sous le commandement du brigadier Robert Monckton (ci-haut), blessé pendant la bataille du 13, l'armée doit faire vite puisque l'hiver arrive et il sera, comme tous les hivers du Canada, rude. Les bateaux britanniques quittent Québec au plus tard le 26 octobre et Monckton laisse le rôle de gouverneur militaire à James Murray, un autre des brigadiers de Wolfe. Murray (ci-bas) se rend aussi rapidement à l'évidence, l'hiver sera difficile. La première chose à organiser, le transport du bois. C'est pourquoi les églises de Lorette et de Sainte-Foy seront rapidement utilisées comme avant-poste et tous les régiments britanniques auront à utiliser des traînes pour ramener du bois à Québec et ce, pour tout l'hiver. Compte tenu que Murray interdit d'abord de prendre le bois des clôtures et maisons détruites, ces convois de bois qui continueront tout l'hiver sont d'une importance capitale!

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Source: James Murray, auteur inconnu, Archives Nationales du Canada, consulté en ligne, le 23 février 2010.

Dès le début novembre, plusieurs tuiles s'abattent sur la tête des Britanniques. Les bateaux avec la paye des soldats ne parviendront pas à Québec avant l'hiver (pp.186-187), des rumeurs circulent comme quoi les Français, en quittant la ville, auraient jeté dans les puits des chats et des chiens morts pour rendre l'eau impropre à la consommation (p.190), on demande de prendre tous les poêles abandonnés pour chauffer les soldats (p. 190) et on instaure un couvre-feu strict aux Français (lire aux Canadiens) pour 10 heures le soir (p. 191). Pour parler des conditions à l'approche de l'hiver des soldats britanniques, Knox utilise ces mots: 

"By this state of our duty, the reader may form some idea of the manner in which we earn our daily bread in this inhospitable winter climate, where we have indifferent quarters, and vile bedding for our poor soldiers, who are ill cloathed, without regular pay, or any kind of fresh provisions; in all those difficulties, the Officers bear a proportionable share; — but such hardships cannot, with justice, be imputed to any other cause, than our critical situation in the heart of an enemy's country, remote and excluded from the sea, and consequently from every kind of commerce with the rest of the world, at this severe season of the year."(p.201)
Les hautes autorités militaires s'efforcent donc de limiter les abus de ses propres soldats (alcoolisme, vols, vandalismes) autant qu'elle le peut, mais les châtiments qui peuvent avoir l'air exemplaire sont parfois diminués. Par exemple, la court martiale du 18 novembre condamne 4 soldats: le 1er à 1000 coups de fouet pour s’être absenté de son poste et avoir utilisé des expressions qui stimulerait la mutinerie; le 2e à 300 coups pour avoir été déguisé, hors de son poste la nuit avec intention de déserter; le 3e à 1000 coups pour tentative de désertion; le 4e, pour désertion, devra faire face à la peine de mort par peloton de tir. Le 4e soldat sera finalement grâcié pour avoir révéler le nom d'un prêtre canadien-français qui incitait les Britanniques à la désertion et le 3e, un invalide suite à une blessure, sera gracié puisqu’il a avoué son crime. (p.208-209). Les Britaniques seront aussi intraitables face aux Français qui incite à la désertion. Le 17 novembre, un habitant de la ville sera pendu à cet effet. Compte tenu qu'on soupçonne alors une attaque par Lévis avant Noël (qui ne viendra finalement pas), les choses ne sont pas drôles.


A
Source: A "cat of nine tails" whip, consultation en ligne, 23 février 2010.

Pour l'alcool, on suspend aussi rapidement les permis de vente d'alcool en ville, dès le 14 novembre et les coupables seront à l'avenir fouettés publiquement (ce qui arrivera à quelques reprises au cours de l'hiver). Les déserteurs seront normalement exécutés en faisant face au peloton de tir, les voleurs seront châtiés au cas par cas (le 16 novembre, un soldat est pendu pour avoir volé un habitant). Mais les soldats graciés sont nombreux comme le moral des troupes est déjà très bas. On veut que les opérations les plus importantes de l'hiver, soit la récupération de bois de chauffage près de Sainte-Foy et les escarmouches contre les Français soient les plus efficaces.



Source: The hanging of a British officer, Major Andre, for negotiating the treachery of Benedict Arnold, auteur inconnu, consulté en ligne, 23 février 2010. ATTENTION, cette image représente une pendaison d'officier britannique pendant la guerre d'Indépendance des États-Unis et non une pendaison à Québec en 1760. La période se ressemble et cette image peut représenter une pendaison comme on aurait pu en voir à Québec.


Mais plus encore que les Français, les maladies sont les principaux ennemis de l'armée britannique. Scorbut, dysenterie et différentes fièvres vont provoquer, avec le froid, un nombre élevé de décès pendant tout l'hiver et vont faire fondre pratiquement de moitié les effectifs britanniques qui sont de 7313 hommes valides au 29 octobre contre 3000 hommes et 1900 convalescents le 24 mars 1760. Cela n'empêche pas l'armée britannique de lancer des opérations de harcèlement qui se soldent souvent par des résultats avantageux pour eux et au détriment des Français ou des Canadiens: reprise de l'église de la Pointe-Lévy (13 février, après la prise du pont de glace), destruction de toutes les résidences entre les rivières Chaudière et Etchemin (26 février), destruction du camp avancé du Lac Calvaire (le Lac St-Augustin, le 18 et 19 mars). Cette dernière action ne se fait pas sans heurts parce qu'une centaine de soldats britanniques doivent être ramenés à Québec sur des traînes, souffrant d'engelures trop graves! Avec les jours qui passent, on sait que Lévis, désormais à la tête de l'armée, tentera certainement quelque chose avec toute l'armée du Canada pour reprendre Québec. Le mois de mars et le début d'avril montrent clairement aux Britanniques que les Français approchent (mouvements de troupes et rumeurs sont de plus en plus nombreux...). La bataille est inévitable.


http://atlanticportal.hil.unb.ca/acva/macdonald/images/gallery/zoom/highlanders.jpg
Source: John H. MacNaughton, The 78th Fraser Highlanders (vers 1880), Musée national des Beaux-Arts du Québec, consulté en ligne, 23 février 2010. Cette image représente un Highlander probablement à l'hiver 1775.

Que faut-il donc retenir de l'hiver britannique à Québec? Les maladies et la difficulté à trouver du bois et des ressources de toute sorte ont été responsables de la plus grande partie des actions des soldats et de l'état-major. Ces grandes difficultés n'ont pourtant pas empêché les soldats de mener à terme quelques expéditions en périphérie de Québec et d'y asseoir leur pouvoir en vu de la prochaine campagne.  Certes, on doit négocier avec certains problèmes locaux, (incitation à la désertion chez les habitants d'un côté, mais aussi vol, désertion et grabuge chez les soldats de l'autre) mais une population affaiblie qui ne croit plus avoir le support de l'armée française (selon les Britanniques) ne peut faire grand chose. Armée française qui,  ayant quitté la région de façon précipitée, n'éveille guère la crainte de Murray qui en parle en ces mots (par rapport à la désertion de ses propres soldats): 
"The desertion, which has lately happened, cannot proceed from any other cause than the fear of punishment for enormous crimes of theft and robbery, which have been amongst us of late: What else can induce men to leave a victorious army, abounding with every thing, to join that of a despicable, routed, starving enemy, who must soon abandon them to our vengeance?"(p.204-205)
C'est une armée affaiblie, mais déterminée et qui possède des moyens efficaces de se battre qui sort donc de la ville de Québec, un peu après 6h le matin du 28 avril 1760, affronter les Français...

À suivre dans les prochaines semaines avec En route vers la bataille de Sainte-Foy (2) - l'hiver des Français...

Source
KNOX, cpt. John. An Historical Journal of the Campaigns in North America... . Londres, 1769, volume 2, édition en consultation en ligne, consulté en janvier et février 2010.