mardi 19 janvier 2010

La crise de l'énergie à Québec et le "Merger", 1898-1962

En commençant, un mot sur Haïti...
Lors de la précédente mise à jour du blogue, la terre n'avait pas encore tremblée en Haïti. Bien entendu, tout le monde sait (j'espère...!) ce qui s'est passé dans ce pays déjà aux prises avec de nombreux problèmes. Ma connaissance de l'histoire de ce pays et de l'île d'Hispaniola n'étant pas assez grande (le temps et les ressources me manquant également), je ne me lancerai pas dans une comparaison historique, même s'il semble que cet événement puisse encore faire la Une pendant plusieurs jours. La problématique est complexe, les enjeux très nombreux et ce que nous pouvons faire est limité. Je croyais et je crois toujours inapproprié de faire un lien entre cet événement et certaines catastrophes naturelles que nous ayons pu connaître au Québec. Je ne ferai pas autre chose que vous donner un lien d'informations vers la mission des Nations-Unies en Haïti, la MINUSTAH

Maintenant, un autre sujet d'actualité...
Vous n'êtes pas sans savoir que plus près de nous se trame une entente entre Énergie Nouveau Brunswick et Hydro-Québec à propos de tout le système de production, de transport et de distribution d'électricité au Nouveau-Brunswick. Comme l'entente originale a du plomb dans l'aile, ce n'est pas sans rappeler l'évolution des différentes entreprises électriques et hydroélectriques de la Vieille Capitale et de la province de Québec.

Les lecteurs les plus sages se rappellent probablement de la Quebec Power Company, la compagnie qui controllait l'électricité résidentielle et commerciale dans la région de Québec pendant presque toute la première moitié du XXe siècle. Mais son histoire remonte à la fin du XIXe siècle. En fait, il faut s'attarder à la création des "conglomérats" Quebec Railway, Light and Power (1898), puis surtout de la  Quebec Railway, Light, Heat and Power (1909). Ces grandes compagnies regroupaient et fusionnaient de petites entreprises qui offraient des produits très diversifiés (production d'électricité, distribution de gaz et de produits de chauffage, transport ferroviaire, etc.) pour offrir un service complet. Nous en avons déjà brièvement discuté lors de notre article sur le tramway.

http://www.collectionscanada.gc.ca/obj/h30/f1/nlc003006-v6.jpg
Source: "Quebec, Montmorency and Charlevoix Railway, 1898" Quebec - Transcontinental Tour - Canada by Train, Collections Canada, consulté le 19 janvier 2010. 

Comme ces entreprises oeuvraient dans différents domaines et qu'elles avaient des activités complémentaires, mais qu'elles effectuaient en vase clos, leur efficacité était limitée. Mais les fusions leurs permirent une certaine expansion: constructions de centrales hydroélectriques  (Sept-Chutes 1916, Chaudière 1901, Armagh 1921, Saint-Raphaël 1921, Marches Naturelles 1908 entre autres) et de chemins de fer régionaux (la ligne se rendant de Québec à La Malbaie, avec l'aide du gouvernement fédéral et les compagnies précédentes, voir image plus haut) sont parmi leurs plus importantes réalisations. Mais ces réalisations ne se font pas sans accrochages.

Bien que le "merger" (ce qui donnera justement le surnom au siège social de l'entreprise, rue Saint-Joseph, appelé Merger Building, construit en 1910, qui abrite aujourd'hui les bureaux de l'arrondissement La Cité de la ville de Québec au 399, Saint-Joseph) semble avoir plusieurs ingrédients pour réussir son pari de prendre le contrôle de tout le marché de la grande région de Québec, il ne parvient pas à imposer ses tarifs.


Source: "Le bureau d'arrondissement de La Cité, Québec", Photo tirée de wikimapia.org, consulté en ligne le 19 janvier 2010.

La première décennie du XXe siècle voit entre autres une féroce concurrence entre la première version du "merger" et la Quebec Jacques-Cartier Electric Company qui obtient notamment le contrat d'éclairage des rues de la ville (1902) avant de tenter une percée dans le gaz lors de la reprise de l'entente avec la ville en 1907, percée qui se solde par des problèmes financiers pour la filiale de la QJ-CE Company et son concurrent, la Quebec Gas, problèmes qui mèneront à la vraie mouture du merger (1909).

À la suite du regroupement de presque toutes les compagnies "électriques" de la région sous la coupe de la Quebec Railway Light Heat and Power en 1909, on pourrait croire que le marché se calmera... Mais en 1911, la compagnie électrique Dorchester ravit le contrat d'éclairage de la ville de Québec au merger en offrant des prix moitié moins cher à partir de ses génératrices du quartier Saint-Roch. Mais la petite compagnie ne réussit pas à subvenir à la demande et doit fermer les livres vers 1915. Son contrat étant toujours valide, elle reçoit alors l'aide de la Shawinigan Water and Power Company qui fonde la Public Service Corporation of Quebec pour mener à bien son contrat... et intégrer le lucratif marché de Québec avec son hydroélectricité produite sur la rivière Saint-Maurice.

Alors, d'où vient la Quebec Power Company? Cette compagnie est née de la fusion de la Quebec Railway Light, Heat and Power et de Public Service Corporation of Quebec avec la participation relativement "discrète" de la plus importante entreprise d'hydroélectricité de la province, la Shawinigan Water and Power Company. Tout ceci parce que la QRLHandP s'aventure dans des coûteux projets d'expansion de ses chemins de fer tout au long des années 1910, que le secteur du gaz est déficitaire et que la compagnie doit se remettre du décès inattendue de son principal gestionnaire, Rodolphe Forget, en 1919. C'est en 1923 que la fusion se concrétise, devant les craintes des créanciers de la QRLHandP.



Source: Le complexe principal de la Shawinigan Water and Power Company, en 1945. Claude Léveillé, "Le Saint-Laurent au coeur du développement hydroélectrique régional", Fédération des sociétés d'histoire du Québec, consulté le 19 janvier 2010.

Véritable succursale de la Shawinigan Water and Power, la Quebec Power Co. ne se gêne pas pour charger des tarifs résidentiels pratiquement deux fois plus chers à Québec qu'à Montréal dans les années 1920 par kWh. Les affaires resteront bonnes jusqu'à ce qu'une commission d'enquête révèle les tarifs très élevés de Québec et mette ainsi énormément de pression sur la QPCo. Bien que des réductions soient finalement accordées, la contestation reste vive, surtout après que la ville ait renouvelé le contrat à la compagnie en 1933 et ce pour une période de 12 ans. Dans cette période, le prix baissera pour atteindre 0,01$ / kWh, en comparaison avec 0,06$ dans les années 1920, mais les plus vifs critiques trouveront quand même que l'échelle de prix de la Quebec Power sert à faire payer aux clients résidentiels les dépenses des secteurs moins rentables (transport et gaz) notamment.

Bien que les années de contestation vives du monopole de la Quebec Power se trouvent dans les années 1920 et surtout les années 1930 (les années 1940 et 1950 voyant la plus importante contestation se déplacer vers Montréal), la situation ne sera finalement "corrigée" que dans les années 1960 avec... la nationalisation de l'électricité et de l'hydroélectricité qui se fait finalement à l'avantage des clientèles résidentielles, mais au détriment d'un des plus gros joueurs privés de l'industrie: la Shawinigan Water and Power.

http://www.plq.org/fr/images/realisations/05.jpg
Source: Image électorale du Parti libéral du Québec, 1962. Site Internet du parti Libéral du Québec, consulté le 19 janvier 2010.



Sources pour cet article:
NOPPEN, Luc, Hélène JOBIDON et Paul TRÉPANIER. Québec Monumental, 1890-1990. Sillery, Éditions du Septentrion, 1990. 191 pages. (voir notamment la page 82 sur l'édifice du Merger)

VALLIÈRES, Marc, et al.. Histoire de Québec et de sa région. Tome II - 1792-1939 et Tome III 1940-2008. Québec, les Presses de l'Université Laval, 2008. Collection "Les régions du Québec", 18.

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