mardi 16 mars 2010

La Commission Cliche (1974-1975): les syndicats et la construction

Comme le monde de la construction, employés comme employeurs, vit un épisode turbulent, nous voulions en profiter pour rappeler un des épisodes les plus houleux de la construction au Québec, soit le contexte de l'ouverture de certains chantiers à la Baie James et la Commission Cliche.  Plusieurs commentateurs et journalistes font amplement référence à cet événement. Les plus vieux s'en souviennent bien, mais plusieurs ne sont pas au courant ou aimeraient bien avoir un petit rappel historique de ces faits. Comme ces événements se sont produits en 1974-1975, nous estimons qu'il faut aujourd'hui avoir plus de 40 ans pour avoir un souvenir de ces événements et nous croyons important de bien se rappeler ceux-ci.
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Source: Robert Cliche et Brian Mulroney, Le Devoir, dans Louis-Gilles Francoeur, "Les trésors de l'enquête", 24 octobre 2009. Consulté en ligne, 16 mars 2010.

Débutée en mai 1973, la phase I du projet de la Baie James s'entame rondement. C'est dans cette période que les représentants de la Fédération des Travailleurs du Québec (FTQ) sur le chantier et en particulier un certain Yvon Duhamel vont parvenir à négocier des conditions un peu plus avantageuses pour leurs membres. Cet homme, de même que d'autres représentants dont Maurice Dupuis, vont alors tenter de recruter la grande majorité des employés sur le chantier au détriment de la Confédération des Syndicats Nationaux (CSN). Ils parviendront à recruter plus de 60% de tous les ouvriers du chantier à travers le local 791, l'Union des opérateurs de machinerie lourde affilié à la FTQ.



Source: "Section locale 791", site Internet de la FTQ-Construction, consultation en ligne, 16 mars 2010.

Le 12 mars 1974, suite à une bagarre entre délégués syndicaux de la FTQ et de la CSN, un délégué de la FTQ, William St-Onge est expulsé du chantier. Comme la Société d'énergie de la Baie James (SEBJ), responsable du site, souhaite que les travaux se poursuivent rondement, ils exigent alors que le maraudage musclé cesse. Duhamel, furieux, profère alors des menaces de grèves générales au gestionnaire.

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Source: Une petite idée de la destruction, tirée d'un reportage de Radio-Canada, consultation en ligne, 16 mars 2010.

21 Mars 1974. Le camp de la centrale LG-2 est saccagé. Duhamel prend sur lui de montrer aux patrons qui contrôle réellement le chantier. Il saccage un dortoir à l'aide d'un bulldozer, brise des citernes de carburant et des conduites d'eau. Un incendie majeur éclate. C'est le point culminant de la confrontation musclée entre la FTQ et la CSN pour le contrôle et l'adhésion du plus grand nombre de travailleurs sur les grands chantiers du Québec qui bat son plein depuis le début des années 1970 (incluant l'incident médiatisé lors de la construction du Stade olympique de Montréal). Le site sera fermé 55 jours et rouvrira le 8 mai 1974.

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 Source: Robert Bourassa, premier ministre du Québec, consultation en ligne, 16 mars 2010.

6 jours après le saccage, le gouvernement de Robert Bourassa met sur pied la Commission d'enquête sur l'exercice de la liberté syndicale dans l'industrie de la construction ou Commission Cliche du nom de son principal commissaire (27 mars 1974). Robert Cliche, juge en chef adjoint de la cour provinciale, l'avocat Brian Mulroney et le vice-président de la Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ), Guy Chevrette (à partir du 3 mai 1974) seront les commissaires. Après presque 300 témoignages pendant près de 70 jours d'audiences, la Commission produit un rapport qui est déposé en mai 1975, concluant que les actions du 21 mars 1974 ne sont pas des gestes spontanés, mais des actions concertées pour montrer qui dirigeait réellement le chantier.

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Source: Brian Mulroney, Robert Cliche et Guy Chevrette, photographe Michel Gravel, La Presse, consultation en ligne, 16 mars 2010.

Résultats de la commission
On recommande une mise sous tutelle des syndicats pour trois ans qui ne sera finalement levée qu'en 1981. On interdit à une personne qui possède un casier judiciaire d'occuper un poste de direction dans un syndicat et on impose une présomption de culpabilité aux syndicats pendant les ralentissements de travail sur les chantiers et les grèves. Finalement, le président de la FTQ, Louis Laberge (ci-bas) est vertement critiqué pour avoir ignoré les actes criminels commis sous son nez. L'industrie de la construction devra alors changer certaines "habitudes", certaines pratiques et tout le monde devra s'y adapter. La SEBJ évalue les dégâts à 31M$. Le 23 août 1974, Duhamel plaidera coupable à diverses accusations dont celle d'avoir démarré l'incendie de la Baie-James. Il sera condamné à 10 ans de prison.


Source: Henri Rémillard, Louis Laberge, président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), écoutant un des orateurs lors d'un colloque tenu par la FTQ (1979), Office du film du Québec, Référence: Archives nationales du Québec, à Montréal Fonds E6, S7, cote: p790426. Consultation en ligne, 16 mars 2010.
Voici quelques documents d'archives pour vous rappeler cette époque et ces événements:

André "Dédé" Desjardins, ancien vice-président de la FTQ, répond aux questions de Pierre Nadeau, le 1er avril 1975.
Source: André « Dédé » Desjardins et la commission Cliche. Les Archives de Radio-Canada. Société Radio-Canada. Dernière mise à jour : 23 octobre 2009.[Page consultée le 16 mars 2010.]

Le juge Robert Cliche, le vice-président de la Centrale de l'nseignement du Québec (CEQ), Guy Chevrette, l'avocat Brian Mulroney (représentant de la partie patronale) et l'animateur Pierre Nadeau parlent des différents enjeux et progrès de la commission, le 3 décembre 1974.
Source: Commission Cliche : des syndicats et des crimes. Les Archives de Radio-Canada. Société Radio-Canada. Dernière mise à jour : 22 octobre 2009. [Page consultée le 16 mars 2010.] 

En prime:
Voici  un documentaire de Radio-Canada de l'émission "Tout le monde en parlait" du 5 août 2008 qui traite justement de ce climat.

2 commentaires:

  1. my father Roger Vezina took the blame to save the ministers and his employees and it killed him.
    today in 2011 we find the same injustice in our gouverment....this was almost 2 decades ago...

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  2. Bravo a Yvon Duhamel,pour avoir empecher les americain de prendre le control de la baie james,sa ta couter 10 ans tu est mon hero.

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